Le Blog de Sacrebopol

L’homme qui murmurait à l’oreille de Kabila

RDC : le pasteur Mulunda, l'homme qui murmurait à l'oreille de Kabila

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2620p030-031.xml0/onu-nelson-mandela-fdlr-kinshasardc-le-pasteur-mulunda-l-homme-qui-murmurait-a-l-oreille-de-kabila.html

 

 

 

Le pateur Mulunda s'est fait connaître en lançant, en 2005, un programme de récupération d'armes © Reuters

 

À peine nommé, déjà controversé. Le pasteur Daniel Ngoy Mulunda est un proche du chef de l’État. Il a pris la tête, en février, de la commission électorale.

 

S’il y a une chose dont le pasteur Daniel Ngoy Mulunda ne se cache pas, c’est qu’il aime l’argent. Début février, il a été nommé à la tête de la Commission électorale, mais, adolescent, il s’imaginait en militaire. À l’époque, racontera-t-il plus tard dans une interview à l’hebdomadaire congolais Le Soft, « les officiers menaient grand train », et il rêvait « de devenir comme eux ». Quand un pasteur, qu’il consulte avant de passer son examen du baccalauréat, lui promet un avenir dans la prêtrise, il renâcle. Il veut « rouler carrosse », comme les généraux.

 

Cependant, le message qu’il dit recevoir du ciel ce jour-là le rassure : « Toi, je fais de toi un pasteur. Je vais t’élever, tu verras toutes les nations, tu mangeras avec tous les grands de ce monde aussi longtemps que tu seras mon ministre. » Daniel Ngoy Mulunda promet qu’il servira Dieu. En attendant, il quitte Lubumbashi, où il est né à la toute fin des années 1950, et part étudier l’informatique à Kinshasa, avant d’entrer chez General Motors. Il faudra qu’un missionnaire américain lui ­assure qu’il aurait le même salaire s’il venait servir l’Église pour le convaincre d’entrer à la faculté de théologie de l’Université protestante.

 

Conseiller spirituel

 

Il n’aura pas le temps de terminer ses études. Dynamique, doté d’un excellent entregent, il se voit confier par la Conférence des Églises de toute l’Afrique (Ceta) l’organisation d’une réunion à Dakar. « Son talent a dépassé toutes les attentes », s’enthousiasme dans une brève biographie la Ceta, qui décide alors de lui donner la direction du bureau chargé de la jeunesse, à Lomé. Il y restera cinq ans, jusqu’en 1993. La Ceta, présidée par le Sud-­Africain Desmond Tutu, lui offre ensuite la possibilité d’approfondir ses études. Il part aux États-Unis et en revient avec deux masters, dont un en « paix et résolution des conflits ». Il prend alors la direction du bureau des affaires internationales de la Ceta, puis le poste de secrétaire exécutif pendant quatorze ans.

 

En 1997, Desmond Tutu lui ­demande de préparer un mémo pour Nelson Mandela sur la situation au Zaïre, afin de préparer la réunion de la dernière chance entre Mobutu et Laurent-­Désiré Kabila. Ce sera pour lui l’occasion d’entrer en contact avec le Mzee, qu’il reverra ensuite à plusieurs reprises. Ils sont originaires de la même province – le Katanga – et se découvriront plus tard lointainement apparentés.

 

Mais c’est avec Joseph, le fils de Laurent-Désiré, que le pasteur Mulunda s’investit en politique. Membre fondateur du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), il fait campagne pour le jeune Kabila en 2006, se présentant comme son conseiller spirituel. Très vite cependant, il se détachera du PPRD pour se consacrer à son Église et à son ONG, le Programme œcuménique de paix, transformation des conflits et réconciliation (Parec).

 

Controversée, cette ONG lance en 2005 un premier programme de récupération des armes dans le Nord-­Katanga. Elle offre alors des vélos et reçoit en échange environ 10 000 armes et matériels militaires divers. Mulunda récidive en 2009 à Kinshasa et, cette fois, c’est 100 dollars pour un fusil. Il revendique la récupération de 12 000 armes. L’opération suivante est lancée dans l’Est de la RDC en 2010, avec une récompense de 50 dollars. Où le pasteur trouve-t-il cet argent ? D’abord dans la poche du ­président Kabila, qui lui a octroyé un don de 100 000 dollars. D’autres Katangais, dont l’actuel gouverneur de la province, Moïse Katumbi, apportent leur contribution.

 

Soupçons de trafic

 

Les opérations du Parec, qui se déroulent en marge du programme national de désarmement, sont très médiatisées et suscitent de nombreuses critiques. Des soupçons pèsent sur les trafics qui permettraient à des militaires de vendre leurs armes contre 100 dollars puis de les récupérer ensuite. Plus polémique encore, le sort de quelques centaines de soldats des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Selon l’ONU, une partie des hommes rapatriés par le Parec au Rwanda se sont révélés être des Congolais. Quant aux quelque 300 Congolais regroupés dans un camp du Katanga, ils n’ont reçu aucun soutien et auraient fini par retourner dans le Nord-Kivu. L’ONG n’en continue pas moins ses opérations dans l’Est, avec la protection de la garde républicaine.

 

En septembre, aux premières rumeurs concernant son accession à la ­présidence de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), la suspicion a pesé sur l’indépendance de l’institution. Depuis sa nomination, le pasteur Ngoy Mulunda s’entretient régulièrement avec Kabila, mais revendique son impartialité et demande à être jugé sur les actes.

 

Jovial, cet homme tout en rondeur prend son rôle à cœur, s’exprimant beaucoup, avec une forte tendance à personnaliser l’institution. « Il est incontrôlable et versatile. Il est matérialiste et a peu de principes. Aujourd’hui il est avec Kabila, mais rien ne dit que demain… », analyse un opposant. À 52 ans, l’homme a aussi envie de peaufiner une image de faiseur de paix. « Il a une haute idée de lui-même, il pourrait sortir grandi d’une élection réussie », insiste un autre ténor de l’opposition. Quant à Étienne Tshisekedi, candidat à la présidentielle, il a publiquement affirmé lui accorder sa confiance.

 

En réunion depuis le 24 mars à Lubumbashi, les membres de la Commission vont élaborer leur programme de travail et très vraisemblablement décider d’un calendrier électoral. Une première occasion de voir comment travaillera cette équipe qui, sous l’égide du pasteur, aura la lourde charge d’organiser les prochains scrutins, dont la présidentielle qui devrait se tenir avant la fin de 2011.

 

 

 

 

Coup de froid entre Brazzaville et Kinshasa

 

 

 

Joseph Kabila (2e à g.) et Faustin Munene (à dr.) en août 1998, à Matadi. © Issouf Sanogo/AFP

 

Le 25 mars, la RD Congo a rappelé son ambassadeur en poste de l’autre côté du fleuve. À l’origine de la brouille : le général Munene, dont le président Kabila réclame l’extradition.

 

Esther Kirongozi n’a pas eu le temps de préparer ses valises. Rappelée de son poste d’ambassadeur à Brazzaville le 25 mars, elle a gagné Kinshasa dès le lendemain. Vite dit, vite fait. Mais les raisons de cette décision n’ont pas été données par le ministère des Affaires étrangères de la RD Congo. Sous le couvert de l’anonymat, à Kinshasa, un officiel lève un peu le voile en parlant de l’« inefficacité de l’ambassadeur qui ne voyait rien, n’entendait rien alors qu’il se passe des choses à Brazzaville ». Un autre affirme qu’il s’agit plutôt d’une « question de réajustement, car certaines situations exigent un profil précis plutôt qu’un autre ».

 

En réalité, malgré les signes d’apaisement qui viennent des deux rives du fleuve Congo, les violons sont loin de s’accorder entre Kinshasa et Brazzaville. Depuis plusieurs mois, le feu couve sous la cendre. D’un côté, la RD Congo, qui se plaint de la présence, chez son voisin, d’éléments qui menaceraient sa sécurité. De l’autre, Brazzaville, qui s’agace d’être toujours pointé du doigt chaque fois que Kinshasa est en difficulté.

 

Au cœur du contentieux, deux noms : Faustin Munene et Lebese Mangbama, dit Odjani. Le premier est un général de l’armée de RD Congo à la retraite. Le second est le chef d’un mouvement insurrectionnel qui a vu le jour dans la région de Dongo (province de l’Équateur), en 2009. Les deux ont en commun d’avoir été arrêtés sur le territoire du Congo-Brazzaville, en janvier dernier pour Munene et en mai 2010 pour Odjani. Kinshasa les accuse d’avoir monté des groupes armés en vue de déstabiliser le pays.

 

Le général Munene serait ainsi à l’origine de l’attaque manquée du 27 février, qui visait, notamment, l’une des résidences du président Kabila. Des actions commanditées, dit-on à Kinshasa, par Honoré Ngbanda, ex-conseiller du maréchal Mobutu « que l’on voit beaucoup à Brazzaville ». À l’issue du procès de ses présumés complices dans deux autres affaires, le général Munene a déjà été condamné à la prison à vie par contumace. Les faits qui sont reprochés à Odjani remontent, eux, à 2009, mais il n’a pas encore été jugé.

 

Les deux hommes sont actuellement détenus dans les locaux de la Direction générale de la surveillance du territoire, à Brazzaville. Kinshasa, qui enrage de les voir « traités comme des invités d’honneur », réclame leur extradition.

 

De l’eau dans son vin. Dans un premier temps, Brazzaville a dit non. Mais le 9 mars, lors de la réunion de la commission mixte entre les deux pays, le Congo-Brazzaville met de l’eau dans son vin et conseille à son voisin de lui adresser une demande d’extradition conforme à la convention judiciaire existant entre les deux capitales. Cela a été fait pendant le week-end du 26 mars, par le biais de l’ambassade du Congo à Kinshasa, selon un membre des services de renseignements de la RD Congo. Entre-temps, dans un entretien accordé à Jeune Afrique, le président Denis Sassou Nguesso a exprimé son opposition à toute extradition de Munene et d’Odjani, en évoquant le précédent Mulele, qui remonte à 1968.

 

À Kinshasa, on s’étrangle d’indignation, à l’instar de ce haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur : « Au moment où nous faisons ce qu’ils nous demandent, ils ont déjà une position officielle réticente et rendue publique. Nous doutons de leur sincérité. Chez nous, il y a un moratoire sur la peine de mort. »

 

« Petit malentendu ». L’autre point de friction concerne la présence à Brazzaville d’anciens membres des Forces armées zaïroises (FAZ), de quelques éléments de l’armée actuelle et de rescapés de l’ancienne garde de Jean-Pierre Bemba. Kinshasa estime qu’ils représentent un danger et souhaite qu’ils soient installés ailleurs. Brazzaville prend cela en compte. « Des ex-FAZ, il ne reste pas grand-chose, explique un ancien du renseignement militaire réfugié à Brazzaville. Beaucoup ont été rapatriés en 2004-2005. Certains ont été réinstallés ailleurs. En tout, on parle d’une trentaine de personnes. » Ces hommes se sont engagés à renoncer au métier des armes pour bénéficier de la protection internationale. « Nous vivons dans la précarité la plus abjecte, raconte un ancien major. Sans droits, sans moyens, nos familles se disloquent et nos filles se prostituent. Nous sommes condamnés à faire n’importe quoi : ouverture de cabines téléphoniques, recharge de téléphones mobiles, ouvriers, pousseurs de chariots… »

 

Jusqu’où ira cette crise ? Raymond Zéphirin Mboulou, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation du Congo-Brazzaville, joue l’apaisement. « C’est un petit malentendu, dit-il. Entre les deux pays, il ne peut y avoir de problèmes insolubles. Les mêmes peuples vivent de chaque côté de la frontière. Nous avons discuté à Kinshasa, nous trouverons un terrain d’entente. » Son compatriote Jérôme Ollandet, ambassadeur itinérant, qui vient de publier un livre intitulé Les Relations entre les deux Congo. Évolution et dynamique interne (L’Harmattan), se montre également optimiste : « Ce sont des peuples devenus adversaires sans se transformer en ennemis. Les réconciliations ont toujours été spectaculaires et inattendues. » 

 

 

 

 

 

 

Le précédent Mulele

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



12/04/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 34 autres membres