Ceux qui ont marqué l’histoire…
Il est difficile d’effacer l’histoire de tout un pays, de la déformer ou de la personnaliser à jamais. Le cinquantenaire commémoratif de l’accession du Congo à l’indépendance est ce moment historique, pareil à celui du jugement dernier, où il faut faire défiler les morts et les vivants mêlés d’une manière ou d’une autre à l’histoire de ce pays. Ils sont du gotha respectivement spirituel, politique, militaire, culturel, scientifique, syndical, journalistique. Ce sont des personnages qui se sont signalés différemment. Malheureusement, ces acteurs de l’histoire congolaise dont la plupart ne sont plus de ce monde, n’ont guère laissé de témoignages écrits à titre de mémoires, des événements auxquels ils ont été associés. Pour pouvoir retracer aujourd’hui ce qui s’est passé, il faut soit avoir vécu certaines étapes de l’histoire, soit se référer à des récits historiques fragmentaires.
Les uns peu nombreux ont été patriotes et nationalistes jusqu’au bout et au sacrifice suprême: les autres fermes au départ n’ont pas résisté aux tempêtes consécutives à la libération du pays. Il s’en est suivi des trahisons, des reniements, et des compromissions dont la conséquence a été l’aliénation de l’indépendance et de la souveraineté du pays, avec l’apparition des autocraties enfantées par des coups d’Etat militaires et des rébellions civiles. Dans le domaine spirituel se sont illustrés le prophète Simon Kimbangu, l’Abbé Albert Joseph Malula, futur archevêque de Kinshasa et futur premier Cardinal du Congo, Mgr Joseph Nkongolo, l’évêque de Mbuji-Mayi, Mgr Laurent Monsengwo, l’archevêque de Kisangani et Président honoraire de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Dans le domaine militaire, les généraux Victor Lundula, Joseph-Désiré Mobutu, Léonard Mulamba Nyunyi, Léopold Masiala Kinkela, Louis Bobozo, Bangala. Dans le domaine culturel, les célèbres artistes musiciens Wendo Kolosoy, Jean-Bosco Mwende wa Bayeke, Léon Bukasa, Joseph Kabasela Tshiamala, Franco Lwambo Makiadi, Nicolas Kasanda, Pascal Tabu Ley, Bombenga etc… Dans le domaine scientifique, Mgr Tharcisse Tshibangu, Recteur Magnifique de l’Université Lovanium et Président honoraire du Conseil d’Administration des Universités du Congo, le Professeur Malu wa Kalenga.
Dans le domaine syndical, Alphonse Roger Kithima, Cyrille Adoula, André Bo-Boliko, Raphaël Bintu, Maximilien Liongo, Arhur Pinzi. Dans la presse, Antoine Roger Bolamba, José Lobeya, Joseph Ngalula, Gabriël Makoso, Jean-Jacques Kande, Camille Mwisa, Philippe Kanza, Mathieu Ekatou, Pascal Amici, Evariste Kimba, Tshilembe Kota, Joseph-Désiré Mobutu, Paul Katanga, Philippe Elebe, Paul Kalambay, Joseph Mbungu, Léon Mukanda, Pascal Kapela, Raphaël Mpanu-Mpanu, Kititwa, Bonaventure Zambite, Gaston Nsengi Biembe, Louis-Roger Dongo. Dans une certaine mesure, on retient les journaux qui se sont particulièrement distingués et révélés progressistes, combatifs et critiques dans la période de la Conférence nationale souveraine après l’apparente ouverture du régime de Mobutu à la démocratie, notamment Elima, La Semaine, Le Potentiel, Le Phare, La Tempête des Tropiques, Umoja, La Référence Plus, surnommés « la presse rouge » proche de l’Opposition au régime de Mobutu. Par la profondeur des analyses, la pertinence des commentaires, la solidité des éditoriaux, le sérieux dans le traitement et la diffusion des informations, le courage de leurs éditeurs et le professionnalisme de leurs journalistes, ces journaux « rouges » ont joué un rôle capital dans la conscientisation de l’opinion et la vulgarisation du concept même de la démocratie.
Evolution de la classe politique
J’en arrive maintenant au domaine politique qui est le plus peuplé et le plus confus. Je rappelle leurs noms pêle-mêle avant de survoler les rôles qu’ils ont joués chacun. Jean Bolikango leader des Bangala ; les leaders de l’Abako Joseph Kasa-Vubu, Daniel Kanza, Edmond Nzeza Nlandu, Gaston Diomi, Muanda Vital ; du PSA Antoine Gizenga, Cléophas Kamitatu, Yvon Kimpiobi, Bernardin Mungulu Diaka, Charles Dia, Norbert Leta ; du MLC Patrice Lumumba, Victor Nendaka, Christophe Gbenye, Joseph Iléo, Joseph Ngalula, Cyrille Adoula Jacques Lumbala, Finant, Joseph Mbuyi, Barthélémy Mujanayi, Emmanuel Nzuzi ; Janson Sandwe, Isaac Kalonji Mutambayi, Moïse Tchombe, André Kapwasa, Godefroid Munongo, Jean-Baptiste Kibwe, Evariste Kimba, Charles Mutaka wa Dilomba,; Jonas Mukamba, Albert Kankologo, Ferdinand Kazadi, Alphonse Ilunga, André Lubaya, David Odia, Barthélémy Mukenge, François Luakabwanga, Sylvestre Mudingayi, Alphonse Ilunga, Sylvestre Mangole Kalamba, Liévin Kalubye Beltchika ; Justin-Marie Bomboko, Léon Engulu, Paul Boliya, Anani Jérôme, Ndjoku Eyobaba ; Jean-Chrysostome Weregemere, Bisukiri.
Plus tard il ya eu cette autre catégorie spéciale comprenant les 13 parlementaires dont Etienne Tshisekedi, Marcel Lihau, Vincent Mbwankiem, Frédéric Kibassa, Charles Dias, Paul Kapita, Faustin Birwinda, Protais Lumbu, Anaclet Makanda Mpinga, François Lusanga, Kanana Tshiongo wa Minanga, Mbombo Lona, Ngoyi Mukendi qui vont narguer la dictature en créant un autre parti politique opposé à celui du régime de Mobutu ; d’autres personnalités étaient notamment Me Nimy Mayidika Ngimbi, Léon Mpinga Kasenda, Anaclet Makanda Kabobi, Prosper Madrandele, Alphonse Mavungu, Vunduawe, Honoré Ngbanda ; enfin Laurent-Désiré Kabila avec ses compagnons Bugera, Bizima, Mwenze Nkongolo, Gaetan Kakudji etc.. Cette liste des personnages du monde politique congolais n’est pas exhaustive. Mais l’histoire peut être répartie en 5 étapes essentielles : 1/de 1920 à 1960 ; 2/de 1960 à 1965 ; 3/de 1965 à 1997 ; 4/de 1997 à 2003 ; 5/de 2003 à ce jour anniversaire du cinquantenaire. C’est dans ces étapes que sera évoqué le rôle joué par certains personnages ainsi que d’autres dont les noms ne sont pas rappelés dans cette énumération pour économie d’espace.
Le rôle primordial a été joué par deux personnages charismatiques spirituels, pour réveiller la conscience de leurs compatriotes. Il s’agit d’abord du prophète Simon Kimbangu qui, 40 ans plus tôt, c’est-à-dire avant 1960, s’engagea résolument dans une sorte de mouvement de réarmement moral, dénonçant le système colonial et prédisant sa fin imminente et la libération du peuple noir. Il fut arrêté, jugé, condamné et mourut en prison au Katanga où il était transféré. Ensuite, en 1957, c’est l’Abbé Joseph Albert Malula, curé de la paroisse Christ-Roi à Léopoldville, qui encadre un groupe d’évolués congolais dont Joseph Iléo, Joseph Ngalula, Albert Nkuli, Pierre Mbaya et d’autres. Il devient le maître d’œuvre de l’inspiration, de l’orientation et de la rédaction du document dit « Manifeste de la conscience africaine » qui fait l’effet d’une bombe dans les hautes sphères belges à Bruxelles, ainsi que parmi les fonctionnaires et colons belges au Congo. Le document parlait de l’émancipation des Congolais par la Belgique. C’est alors que se croyant pris de vitesse par les auteurs du « Manifeste », les leaders de l’ABAKO avec Joseph Kasa-Vubu en tête, réagissent et publient leur « contre-manifeste » exigeant l’indépendance immédiate et inconditionnelle. Tel est le survol de la partie de l’histoire de 1920 à 1960.
De 1960 à 1965
C’est à partir de 1940 que se révèlent les premiers journalistes congolais comme Antoine Roger Bolamba de « La Voix des Congolais », Paul Lomami Tshibamba, Michel Colin, José Lobeya de « La Croix du Congo », Jean-Jacques Kande, Camille Mwissa, Philippe Kanza, Mathieu Ekatou, Paul Katanga, Gaston Nsengi Biembe, Louis Roger Dongo, Joseph-Désiré Mobutu, Evariste Kimba, Kitwita, Paul Kalambay, Joseph Mbungu, Gabriël Makoso, Pascal Amici, Tshilembe Kota, Léon Mukanda, Philippe Elebe. Mais de 1960 à 1965, ce sont les politiciens qui dominent sur le terrain, dans une ambiance chaotique des rébellions et des sécessions. Moïse Tchombe donne le ton avec la proclamation de la sécession de la province du Katanga, avec Godefroid Munongo, Jean-Baptiste Kibwe, Evariste Kimba, André Kapwasa. Leader d’une aile dissidente du MLC et manipulé par les « kinois » Joseph Iléo, Joseph Ngalula et Cyrille Adoula éclipsés dans la ville de Léopoldville par l’aura de Lumumba, Albert Kalonji proclame à son tour l’Etat autonome du Sud Kasaï dont il est le Président et Joseph Ngalula Premier ministre. A cause des troubles sociaux consécutifs à l’indépendance, Mgr Joseph Nkongolo est contraint de quitter son diocèse de Luebo et va s’installer à Bakwanga (Mbuji-Mayi). Il est témoin du massacre de la population civile à Bakwanga par les soldats de l’armée nationale en route pour Elisabethville (Lubumbashi). Il finit par obtenir du Vatican l’érection en diocèse de sa juridiction apostolique du Sud Kasaï.
Au Katanga, Jason Sendwe nationaliste opposé à la politique séparatiste de Tshombé et pro-Lumumba, est assassiné. Plus tard, André Kapwasa va se détacher de Tshombé pour flirter avec Mobutu dans son MPR. Les leaders en vue à Luluabourg sont Alphonse Ilunga, Barthélémy Mukenge, François Luakabwanga, et André Lubaya. Ce dernier, devenu très populaire, s’attire des ennuis de la part de ses frères et sera liquidé par le régime de Mobutu sans que son corps ne soit retrouvé et enterré. A Bakwanga, plusieurs politiciens sont tués dans le massacre opéré par l’armée nationale et aussi par le régime de Kalonji Mulopwe et Ngalula. C’est le cas de David Odia, Ndaya Jean, Tshimenga, chef coutumier Bujitu, Jacques Lumbala, Finant, Emmanuel Nzuzi. A Stanleyville, le gouvernement populaire de Gizenga-Gbenye s’illustre aussi oar une série de tueries sur la place publique, que le général Nsinga Boyenga va évoquer à la tribune de la Conférence nationale souveraine à Kinshasa. Pierre Mulele au Kwilu et Gaston Soumialot à l’Est, déclencent une guérilla qui prend de l’ampleur. A Léopoldville, deux ministres, Justin-Marie Bomboko et Albert Delvaux contresignent le décret du Président Kasa-Vub révoquant leur Premier ministre Lumumba. Secrétaire au gouvernement de Lumumba et devenu colonel, Mobutu suspend le chef de l’Etat et le Premier ministre, mais la cible est ce dernier.
En 1965, devenu Lieutenant-général, Mobutu chasse le Président Kasa-Vubu qui persiste à nommer Evariste Kimba Premier ministre alors qui’à deux reprises le parlement lui refuse sa confiance, poste qui revient à la coalition de Tshombe, il s’empare du pouvoir. Sous le prétexte d’un » complot de la Pentecôte «, Mobutu fait pendre publiquement 4 personnages politiques : Evariste Kimba, ancien ministre des Affaires étrangères du Katanga entré en dissidence avec Tshombé, Jérôme Anani, ancien ministre de la Défense dans le gouvernement Adoula, Emmanuel Bamba, un des leaders influents de l’Abako, et Mahamba du Kivu. Ils sont exécutés par le général Bangala, alors gouverneur de la ville de Léopoldville, l’un des officiers généraux du Haut Commandement militaire, auteurs du coup d’Etat du 24 novembre 1965.
De 1965 à 1997
Toute cette période est marquée par l’omnipotence du règne sans partage de Mobutu, avec la création un parti unique, le MPR, embrigadant tout le monde bon gré mal gré, et l’apparition sur la scène des visages politiques nouveaux, dont la plupart bardés de diplômes universitaires. Etienne Tshisekedi, Joseph Nsinga Udjuu, Prosper Madrandele, Marcel Lihau, Me Nimy Mayidika Ngimbi, Me Gérard Kamanda, Anaclet Makanda, Gambembo, Mafema, Léon Mpinga Kasenda, Jean Nguz Karl-I-Bond, Guillaume Samba Kaputo, Umba di Lutete, Evariste Mabi, et d’autres dont il n’est pas nécessaire d’évoquer les noms, ceux qui sont cités étant déjà un échantillon éloquent. Mais le vent de fronde va souffler dont les promoteurs sont les 13 parlementaires qui créent un parti politique dénommé « L’Union pour la démocratie et le progrès social » en sigle UDPS. Finalement, 12 vont flancher et rejoindre Mobutu. Un seul sort du lot et reste ferme et imperturbable, c’est Etienne Tshisekedi. Il en fait voir de toutes les couleurs à Mobutu et son régime. Il est plébiscité Premier ministre à la Conférence nationale souveraine, contre le candidat du pouvoir Thomas Kanza. C’est à cette conférence nationale que se révèle Mgr Laurent Monsengwo qui devient le Président de ce forum. Mais il va se fourvoyer et se mouiller avec sa philosophie des « convergences parallèles » et de « la IIIe voie », avec dans la foulée le sabordage du schéma de la conférence et l’apparente récupération de la situation par Mobutu.
Mais l’artisan de la IIIe voie ne pouvait pas s’imaginer qu’il faisait le lit du troisième larron. Laurent-Désiré Kabila, ancien maquisard replié depuis des lustres sur les plateaux de Fizi et Baraka au Kivu, s’amène avec son cortège de compagnons de l’AFLD comme Bugera, Bizima, Masasu, Kabarehe, mêlés d’éléments de la diaspora tels que Mwenze Nkongolo, Gaetan Kakudji, Luangi, Mawampanga. Ils prennent le pouvoir à Kinshasa.
De 1997 à 2003
Toutefois, la coalition AFLD est étonnamment éphémère. Un an plus tard, des compagnons d’orgine rwandophone entrent en dissidence, appuyés par les mêmes pays de l’Est dont le Rwanda et l’Ouganda. Des figures congolaises du régime de Mobutu y sont aperçues. Vincent Lunda Bululu, Alexis Thambwe Mwamba, Lambert Mende, Kin Kien Mulumba et d’autres. Ce conflit prendra fin avec le regroupement de tous les belligérants majeurs et mineurs à Kinshasa dans un gouvernement de transition mis sur pied par la communauté internationale à l’issue du dialogue intercongolais en Afrique du Sud.
Le combat de Malula
Avant d’en finir avec le survol de l’histoire, il y a lieu de revenir à la période de 1965 à 1995 pour évoquer certains faits importants pour le cas particulier du Cardinal Malula. Il soutenait fermement et discrètement toutes les initiatives des hommes politiques congolais … qui luttaient pour le changement. C’est le cas des 13 parlementaires fondateur de l’Udps. Il s’élève énergiquement contre la politique de l’authenticité que prônait Mobutu pour l’abandon des noms chrétiens et en matière vestimentaire avec l’abandon du « costume-cravate » qu’il considérait comme l’aliénation du peuple et le retour en arrière. Il critique sévèrement la politique sociale de la dictature et y oppose sa philosophie de « Justice distributive ». Tout cela lui valut la destruction de sa résidence du Bld Sendwe transformé en bureau de la Jeunesse du MPR et son exil à Rome.
Pour cette législature de la IIIè République qui tire à sa fin, les figures de premier plan de son histoire sont le Président Joseph Kabila, l’ancien président de l’Assemblée nationale Vital Kamerbe, l’ancien Premier ministre Antoine Gizenga, le Premier ministre Adolphe Muzito, le Président du Sénat Léon Kengo, le Président de l’Assemblée nationale Evariste Boshab. Il y a aussi le sénateur Jean-Pierre Bemba, président national du MLC, candidat malheureux au second tour du scrutin présidentiel de 2006, arrêté à partir de Bruxelles, pour des événements qui s’étaient déroulés en République centrafricaine. Parmi les groupes armés, Laurent Nkunda du CNDP est celui qui a beaucoup fait parler de lui.
Tout bien considéré, on voit que les 50 ans d’indépendance ne se terminent pas en beauté. Les patriotes nationalistes à compter sur les doigts d’une main n’ont pu réaliser tout idéal, trahis par des sous-fifres à la solde des forces occultes. Le pays n’est pas encore exorcisé.
Jean N’Saka wa N’Saka
Ndlr: Il ne faut pas non plus oublier le Sphinx de Limete, le doyen Étienne Tshisekedi qui revient en force après une longue maladie et qui se retrouve favori pour les élections libres, démocratiques et ouvertes.
http://lejalonducongo.unblog.fr/2011/04/01/ceux-qui-ont-marque-lhistoire/