Le Blog de Sacrebopol

L'HISTOIRE DES BALUBA

HISTOIRE DES BALUBA

BULOPWE (LE POUVOIR ROYAL) ET L’ESPRIT LUBA

par

 

Ilunga Kimilundu Wafika Tharcisse et Numbi Twite Mulopwe Albert

            Introduction

            Dans les pages qui suivent, nous tâcherons de présenter, en grandes lignes, l’essentiel de l’histoire de l’Empire luba.

            Ce n’est pas un travail d'un ou deux individus, mais une synthèse de la confrontation des traditions orales et des études historiques de certains auteurs étrangers qui ont eu l’initiative de recueillir des informations sur les événements avant que ne s’éteignent et que ne soient enterrés les derniers historiens traditionnels, et avec eux, toutes les documentations en leur possession.

            En fait, beaucoup de chercheurs étrangers se sont donnés corps et âme pour recueillir renseignements et traditions afin d’établir, autant que possible, l’histoire du Peuple muluba. Parmi les auteurs que nous avons pu consulter, nous pouvons citer, entre autres, le R. Pasteur Burton (L’Ame Luba) et Mr Verhulpen (Baluba et Balubaïsés). Ce sont des études très intéressantes et instructives.

            Cependant, comme l’écrivait un professeur de l’Université de Liège : « Les vérités historiques sont des vérités approximatives et essentiellement relatives, appelées à varier avec le progrès de la connaissance ». Ces œuvres et beaucoup d’autres ne manquaient pas de présenter certaines lacunes et parfois quelques erreurs.

            Nous avons confronté mis en parallèle ces études les unes avec les autres et essayé de combler les vides ou oublis afin de pouvoir un tant soit peu refaire le gros de l'histoire avec un peu plus de précision.

            Outre cette visée historique,  notre souci majeur est d'interpréter les traditions ancestrales par l’ESPRIT LUBA ou la FOI en ses traditions. En effet, l’historien étranger traduit les faits tel qu’il les entend ; il interprète les pensées selon sa culture et selon sa foi.

            C’est ainsi que nous avons estimé fondamental de présenter à la génération future des réalités véritables, sans tenir compte des sentiments ni d’ordre culturel, ni d’ordre moral ou religieux.

            Chapitre I : Généralités

            §1 : Aspect géographique

            Les Baluba occupent aujourd’hui à peu près tout le Nord ou plus de la moitié du Katanga ; soit les territoires de Kabongo, Kamina, Kaniama, Bukama, Malemba, Manono, Kabalo, Mitwaba, Pweto, et même au-delà. C’est une vaste et belle région qui s’étend sur le bassin supérieur du fleuve Lwalaba et ses grands affluents, dont la Lubilanji, la Lomami, la Lovoi et la Lubudi.

            C'est une région au climat tropical avec deux saisons : la saison humide qui débute en octobre jusqu’en avril ; et la saison sèche qui part du mois de mai jusqu’au mois de septembre.

On y trouve de vastes étendues de savanes herbeuses à l’ouest du territoire, et le reste est couvert de savanes boisées et des forêts luxuriantes. Cette végétation était le lieu de vie de troupeaux d’animaux de toutes sortes : des éléphants, des hippopotames, de grosses et petites antilopes, des singes, etc. Le fleuve, les rivières, les lacs Kisale, Bupemba et Tanganyika regorgent des poissons de toutes espèces.

            §2 : Origine des Baluba

            Connaît-on une origine au Peuple muluba ? Puisqu’il est de règle, pour écrire l’histoire d’un peuple, de commencer par ses origines. La tradition orale luba n’a laissé  aucune trace à ce sujet.

Les livres d’histoire sur le Congo décrivent les temps des immigrations et de l’occupation successive de l’Afrique centrale par les Pygmées, les semis-bantous et Les Bantous. L’on dit que ces derniers viennent du nord… Les Baluba font parti des peuples bantous. Mais de par leur culture, l’on pourrait déduire qu’ils viennent du nord-est.

            Les tentatives de Mr Verhulpen, dans son livre « Les Baluba et les Balubaïsés » qui cite d’autres auteurs, n’ont pas abouti aux résultats convaincants sur les origines des Baluba.

            Il y a certainement, dans cet ouvrage, l’origine de la dynastie de l’empire luba. Car l’ancêtre mâle de la famille impériale n’est pas originaire du peuple muluba. C’est un étranger venu d’un pays lointain (de l’est). D’où le terme  « BALUBA » qui signifie les « perdus ». Ceux qu’on appelait « Baluba » ce sont des princes envahisseurs et leur suite qui conquirent  les territoires et soumirent les tribus qui habitaient de part et d’autre du fleuve Lwalaba et au-delà, à partir de la rivière Lubilanji jusqu’au lac Tanganyika.

            La population actuelle parle le « kiluba ». Cette langue n’est pas parlée de la même manière dans tous les territoires cités plus haut. Certains mots ne sont pas prononcés de la même façon partout ; le ton diffère d’une zone à l’autre. Les gens se comprennent bien et savent distinguer, par le langage, des personnes qui appartiennent à telle ou telle région du buluba. Ce sont des différences dialectales.

Il est facile d’expliquer que les termes  « Baluba » et « Kiluba» ne sont entrés dans le langage de ce peuple qu’après l’instauration de l’empire; ils y sont introduits par les étrangers (peuples vaincus ou des territoires limitrophes).

            En fait, avant l’arrivée des rois (ou des princes) les gens vivaient par groupes familiaux ou claniques dont le chef était l'aîné (de ces clans) ou celui que les membres des familles désignaient comme tel.

            Plusieurs clans pouvaient s’unir, soit par alliance d’amitié, soit par le mariage, et formaient ainsi un ou de nombreux villages avec des terres bien limitées. D’autres régions se constituaient par des conquêtes : il y avait des hommes envieux qui savaient manipuler les autres pour les soumettre à leur pouvoir, ou qui attaquaient les voisins afin de s’accaparer de leurs terres. Les terres ou les régions ainsi formées portaient soit le nom du chef du clan fondateur, soit celui d’un cours d’eau, soit quelque chose ayant une caractéristique frappante, par exemple : olivier sauvage (Umpafu), colline, etc. Et l’on désignait les habitants par ce nom précédé d’un déterminatif d’appartenance « bene » ou les préfixes « mu-ba ». Par exemple : « Bene Kabongo », « Bene Nsamba », « Bene Kisale » ou « Basale », « Bene Lwalaba » ou « Balaba »… La langue que parlait le groupe de personnes prenait la même appellation : « Ils parlent « Kine-Kabondo », « Kine-Lwalaba » ou « Kyalaba », « Kine-Kalundwe », etc.

            Lorsque l’on disait d’un individu qu’il venait de chez les « Baluba », l’on voulait désigner la région qu’habitaient les « Balopwe ». C’est par la suite de conquêtes que les étrangers ont vulgarisé ce terme pour désigner ce Peuple des conquérants et les appeler : « Les Baluba ».

            §3 : Comment vivaient les Baluba ?

            Comme il est décrit précédemment, les Baluba vivaient par groupes claniques dans des villages qu’ils construisaient à proximité d’un cours d’eau. L’on distingue quatre sortes de constructions :

-« Ndaku » : maison du chef de famille (du mari) ;

-« Mbala » : cuisine du mari. D’où le terme « Mwine-Mbala » qui désigne un homme ou toute autre personne du sexe masculin ;

« Mukunko » : logis (en même temps cuisine) de la femme. Mwine-mukunko désigne toute personne de sexe féminin ;

« Kamwaka » : maisonnette construite à l'extérieur de la cour résidentielle pour la femme à l’état menstruel qui était condamnée à vivre isolée (loin des hommes).

Les Baluba vivaient des produits de la chasse, des champs, de la pêche et d’élevage.

Les travaux agricoles consistaient en la culture des produits vivriers tels que le mil (disparu), le sorgho, le manioc, le maïs, la patate douce, l’arachide, la courge, les ignames. Outre ces produits, certains se faisaient de petits lopins de tabac.

            La chasse se faisait de diverses manières :

-la chasse individuelle à l’arc et à flèches empoisonnées (bulembe) ;

-la chasse collective qui comprenait le feu de brousse auquel tout le monde participait : hommes, femmes, enfants, avec toutes sortes d’armes ;

- et la chasse à la coure (battue) où prenaient part les chiens et les mâles du village sans distinction d’âge.

On employait encore toute sorte de pièges, des trappes et des collets.

            La pêche se faisait au moyen des nasses (bisulu), des filets (makonde), des harpons (manda) et des hameçons (malobo) fabriqués avec des tigettes de palmiers (bukombo).

On élevait des poules et des canards, des chèvres et des moutons.

Outre ces travaux indispensables pour la subsistance, les Baluba s’adonnaient volontiers à des activités d’ordre économique qui consistaient en divers artisanats : les gens exerçaient plusieurs métiers selon la spécialité (busendwe) de chacun, homme et femme :

-ceux qui travaillaient le bois fabriquaient des mortiers et des pilons pour divers travaux ménagers ; des manches des différents outils (hache, houes,…), des pirogues ; des instruments de musique tels que les tambours, tam-tam et quelques objets d’art.

-les forgerons fondaient des minerais de fer et de cuivre et obtenaient le fer avec lequel ils fabriquaient des houes, des haches, des couteaux et des armes (lances et flèches) ; et le bronze dont ils faisaient des croisettes qui servaient comme objets de valeur et pour la fabrication des parures;

-les vanniers, avec les fibres des plantes, fabriquaient différents objets pour usages diversifiés : avec les espèces de papyrus (ngungu), on faisait des nattes et des tamis, avec les genres de rotins (nkodi), des cannes à sucre-sans sucre- (malenge) et des papyrus on tressait des vans (lubenji) et des paniers de différentes formes (bitenge) ;

-les potiers (lubumba) produisaient des pots en argile et des récipients de formes et des grandeurs diverses (bisuku ne milondo).

-d’autres s’adonnaient au travail des peaux pour l’habillement -les tanneurs.

Tous ces produits artisanaux  se vendaient par le système de troc.

            §4 : Culture et art luba

            Les Baluba sont plus connus comme un peuple guerrier que comme artiste. Ils n’ont pas laissé beaucoup d’œuvres d’art. Cependant, bien que l’art ne fût pas leur fort, tout ce qu’ils fabriquaient l'était avec beaucoup de talent; c’est qu’on y mettait du coeur, tels que les tamis (musalo), les nattes (kyata), les oreillers en bois (musao), les vases, etc ; toutes ces choses étaient ornées avec goût. La ceinture à peau d’éléphant (makeka) était un vrai bijou et comptait parmi les objets de valeur.

            Malgré leur esprit guerrier, les Baluba avaient un esprit attaché à la vie familiale et sociale. Ils appréciaient la compagnie des autres et avoir une famille large. D’où leur enthousiasme dans l’accueil et la solidarité.

Ils étaient ordonnés et tenaient beaucoup à l’organisation politique et administrative, une rigueur sacrée dans l’observance des mœurs, des us et coutumes. Cette fermeté fut un ferment de la conservation de la tradition et de l’histoire. Les tabous en furent un moyen très efficace.

            Le respect de la personnalité, la fierté de la liberté et de la noblesse étaient leur point fort. De là vient la distance respectueuse entre l’homme et la femme, entre un autochtone et un étranger. La femme devait garder une attitude de respect, d'égard envers l’homme ; pendant la période de menstruation, elle devait rester en dehors de la cour résidentielle.

            Les Baluba possédaient une culture très développée dans le parler. Le langage très nuancé, très subtil, des expressions rimées et intelligentes, des fables et des proverbes constituent un grand héritage fort apprécié dans la littérature africaine. Le code employé dans la communication au moyen des tam-tams était un art d’une stratégie non négligeable. Par exemple : « Meso ku-mbadi ku-mbadi, ne muyombo i bantu » (regarde bien, il y a du monde).

            Le peuple muluba avait une méthodologie très remarquable dans la formation des enfants. Par des récitatifs chantonnés le soir autour du feu, on apprenait à observer et à connaître la nature : les noms des oiseaux et des animaux, les noms des arbres et rivières, etc. Par exemple : « Kasha kasha nkyabadile po toni dikumi , kimbale toni dikumi » . Il était question de donner sans hésitation, les noms de dix oiseaux. On demandait ainsi de citer  différemment dix arbres, dix rivières, etc. Par les fables et les contes, on apprenait les comportements et la manière d’être : sagesse, prudence, courage, etc. Par des causeries répétées sur l’histoire de la famille, de la région, des personnages importants, etc, l’on inculquait en profondeur la tradition ou l’histoire qu’on voulait transmettre de père en fils.

            Les rites et les cérémonies religieuses et des autres circonstances distinguaient le Muluba des autres peuples. Par exemple, les Baluba pratiquaient la circoncision (mukanda, disao)). Cette circonstance qui devait durer un temps assez long (plus de 3 trois), donnait lieu à l’initiation des jeunes gens à toutes les situations de la vie courante de l’homme. Une circonstance spéciale était également réservée à l’initiation des jeunes filles (butanda).

            §5 : Religions et croyances chez les Baluba

            Les Baluba croyaient en seul Dieu qu’ils appelaient « Vidye » ce qui veut dire « Seigneur-Dieu ». On le glorifiait en le proclamant :

1.Comme Père Créateur : « Vidye-Shakapanga » ; on Lui attribue la création de la terre et de ce qui existe dans le firmament : Panga-panga, wapangile ngulu ne minonga » (Créateur qui créa monts et cours d’eau) ; « Kafula moba » (qui forgea les soleils, astres).

2. Comme Fils attendu par sa mère « Banze » : Vidye, Kungwa-Banze (na Banze ou wa Banze) ;

3. Comme celui qui reçoit en partage (des dons) : « Vidye, Kalemba-ka-Maweji ».

Dans beaucoup de circonstances, on Le louait en s’écriant :  « Vidye-Kalombo », Kalombo ke balombwele, bashele kebeye » (c’est Lui qui a montré sa puissance, les autres (les hommes) ne font qu’imiter).

On ne lui construisait pas des temples pour les cultes mais, il existait des lieux où l’esprit du Seigneur-Dieu s’est manifesté et installé. C’étaient des lieux sacrés où seuls les prêtres étaient permis de se rendre pour L’invoquer et consulter ou recevoir des oracles. On appelait ces lieux soit :

-« Ku-Mukishi wa Vidye ». Le terme Mukishi désigne une « Force mystique »

-« Ku-Butobo », du verbe « Kutoba » qui signifie prier le Seigneur en implorant sa grâce, tout en l’exaltant et solliciter l’oracle. Le prêtre s’appelait « Kitobo kya Vidye ».

            Outre cette croyance fondamentale en Dieu-Tout-Puissant, les Baluba croyaient en la vie de l’au-delà ; d’où la croyance à l'intervention des morts. Ils étaient sûrs qu’après la mort, l’homme continuait à vivre dans un lieu non loin de Dieu. Ce lieu s’appelait « Kalunga ». Les morts auxquels on ne reprochait aucun mal commis de leur vivant allaient dans le « Kalunga-Nyembo », et les malfaiteurs (notamment les sorciers) allaient dans le Kalunga-ka-Musono » ( musono qui signifie infection, panari).

            Les Baluba croyaient que les parents et frères défunts étaient appelés auprès du Seigneur « Twaile kutala dyuba, Kalunga-Nyembo tumanya mukenji), ces gens restaient en contact intime et permanent avec les vivants. C’est ainsi, croyant que « Vidye » était difficilement abordable, ils trouvaient facile de recourir aux morts, leurs frères et les invoquaient.

            Et afin que cette relation entre les vivants et les morts ne se relâche pas et que ces derniers ne tombent pas dans l’oubli, les Baluba croyaient à la réincarnation, en termes luba « kulonda dilo ». Dès qu’une femme portait un enfant, il lui arrivera (nécessairement) de voir en rêve une des connaissances défuntes lui signaler sa « venue » auprès d’elle. C’est ainsi que l’enfant qui naîtra portera le nom de la personne qui s’était présentée. Si il n’y a pas de « mort » qui se présente l’enfant sera nommé « kyabuntu »: cadeau ou portera alors un nom quelconque.

La foi, l’espérance, et la fidélité dans l’observation des règles aidèrent ces hommes à vivre et à garder leur religion jusqu’aux jours que le Seigneur-Dieu avait fixés, c’est-à-dire à l’introduction des choses nouvelles.

            Chapitre II : Fondation de l’Empire

            §1 : Nkongolo Mwamba, Fondateur

            Les origines de l’empire luba se fondent sur plusieurs versions traditionnelles selon les régions où sont passés les fondateurs de ce vaste territoire. Toutefois, tous les Baluba attribuent la fondation de l’empire à Nkongolo Mwamba, homme fort d’un esprit perspicace et ambitieux.

            L’ancêtre de Nkongolo Mwamba était originaire des Bayembe ou Basonge du nord appelés encore les « Bakalanga ». Il se surnommait « Kimung’wa Bakalanga », ce qui signifie « Hyène de Bakalanga ». Le père de Nkongolo s’appelerait Kahatwa Kazadi ou Muleya Monga ; aurait-il changé de nom après immigration ou intronisation ? Se serait-il surnommé Kimung’wa Bakalanga comme son père ? C'est une possibilité courante donc envisageable.

            Kahatwa ou Muleya avait deux femmes : Mwamba appelée aussi Ndayi et Kaseya, toutes deux issues des Baluba. (Ici l’on peut supposer que le père de Nkongolo se serait déjà installé dans la région des Baluba).

La femme Mwamba ou Ndayi eut trois enfants, un fils qui, avant sa naissance devait s’appeler Nkumwimba, il fut nommé Nkongolo en raison de son teint clair, et de par sa mère on le nomma Nkongolo Mwamba ; et deux filles Mabela et Bulanda, appelées aussi d’après le nom maternel, Mabela Ndayi et Bulanda Ndayi. Kaseya eut une seule fille, Nsungu, appelée aussi Nsungu-wa-Kaseya du nom de sa mère.

            On raconte qu’un jour, le jeune Nkongolo vit quelques fourmis noires (minyeu) qui transportaient des termites, il demanda à ses parents : « Comment ces quelques fourmis peuvent-elles vaincre les termites qui sont si nombreuses ? » Son père répondit que « c’est parce que les fourmis travaillent en bandes et qu’elles sont sans merci ». « Moi aussi, je veux travailler en bande et, comme elles, je serai sans merci », décida le jeune Nkongolo. C’est ainsi qu’il groupera autour de lui une bande de jeunes gens et se mettra à terrasser les gens et à les assujettir  à son pouvoir. Il fut si tyrannique que la population n’en pouvant plus,  finit par le chasser.

            Il semble que Nkongolo Mwamba commença sa première conquête, pour devenir chef, dans la région de Mutombo-Mukulu, chez les Bene-Kalundwe. L’on dit qu’une certaine Bondo Lumbale ou Tshimbale, selon la prononciation de la contrée, était cheffesse  de Bene Kalundwe à l’époque où Nkongolo arriva sur le territoire.

            Bondo Lumbale ou Tshimbale serait-elle une prêtresse de Tshifinga, « Mukishi » de cette région ? (voir plus loin le sens de mukishi). Il paraît que Tshifinga aurait accepté et reconnu Nkongolo comme chef parce qu’il était le plus fort et accompagné de beaucoup de guerriers. C’est ainsi que Bondo Tshimbale lui aurait remis ses pouvoirs en le prenant comme époux. Nkongolo Mwamba intensifia son pouvoir et régna sur tous les groupes de la région ouest de Lomami.

            Apprenant que les gens de l’est de la Lomami étaient plus riches que ceux de la région qu’il occupait ; richesse qui consistait en sel, huile de palme et huile de mpafu (olivier sauvage), Nkongolo vient donc conquérir tout l’est de la Lomami. Il traversa même le fleuve Lwalaba jusqu’au lac Kisale. Puis il revint à la rive gauche du fleuve et s’installa à Mwibele. Il ne retourna plus chez les Bene Kalundwe qui restèrent totalement indépendants de lui.

            §2 : Le portrait de Nkongolo Mwamba

            Dans toutes les histoires des peuples ou des nations, les grands hommes, forts et puissants ont toujours été considérés comme des hommes de génie ou des génies tout court. De même chez les Baluba, Nkongolo Mwamba a été considéré comme un homme légendaire et un génie. Légendaire par ses origines brumeuses et entourées de mystère ; légendaire par la façon dont il a pu conquérir des vastes territoires et unifier des tribus jadis dispersées qui devinrent un seul peuple.

            Comme l’histoire dit que Nkongolo Mwamba sentit sa vocation de fondateur d’empire au spectacle d’une colonne de fourmis qui avait vaincu et dépouillé une masse de termites, Nkongolo fut, en effet, un chef d’une cruauté tyrannique. Il soumit son peuple à d’immenses travaux notamment de faire détourner le cours de la Lomami. Il lui arriva de faire couper le nez, les oreilles, les mains, les seins de ses sujets. Cette cruauté comme on le verra plus loin, l’emmena à faire enterrer sa mère vivante pour un simple rire.

            Autres traits de son caractère farouche, on raconte qu’un jour il arracha, de leurs mères, les enfants de 3 à 9 ans et les fit placer à une certaine distance de celles-ci. Puis les enfants furent séparés pour voir s'ils se dirigeraient vers une autre mère que la leur. Mais, tous choisirent leur mère et Nkongolo décréta que tout enfant devrait être considéré comme capable de jugement à l’instar d’une grande personne.

            Il a gardé sa brutalité et son mépris de la vie humaine : il ne se fiait à personne, subjuguait tout le monde. Voyant que les hommes se laissaient souvent influencer par leurs femmes au point que leur pouvoir s’en trouvait affaibli, il décida de ne pas se marier en dehors de sa propre famille. C’est ainsi qu’il épousa sa demi-sœur  Nsungu-wa-Kaseya.

            Sa vie légendaire, il l’a emportée jusque dans sa mort. En effet, l’histoire rapporte que lorsqu’on lui trancha la tête, celle-ci ayant été placée sur une petite monticule, elle avait disparu le lendemain emportée par les termites. Ses contemporains en conclurent que Nkongolo s’était enterré tout seul.

            §3 : L’intervention de Vidye

            Avant l’avènement de Nkongolo Mwamba, ou avant qu’il ne s’installe à Mwibele, il existait aux environs du lac BoyaKabongo) un lieu « Mukishi wa Mpanga Maloba ». C’était un lieu sacré où Vidye s’était manifesté et installé. Un homme nommé Nyindo et sa femme Zwibi étaient les protecteurs attitrés de ce lieu. L’homme n’avait pas été choisi comme prêtre (Kitobo), donc, il ne pouvait pas ou n’avait pas le droit d’invoquer ou de consulter Vidye au nom des autres. Il avait tout simplement la garde des lieux saints.

            Le couple avait un fils, Kalui. Ce dernier, mécontent de voir ses parents adorer et vénérer Vidye qui ne les prenait pas à son service, se rendit sur les lieux afin de demander à Mpanga Maloba de se décider de choisir un individu comme Kitobo ; il avait probablement l’espoir de voir le choix tomber sur lui ou sur son père. Vidye l’écouta mais, ni lui, ni son père ne fut nommé Kitobo ; Vidye se choisit quelqu’un d’autre qui se fit appeler Mijibu wa Kalenge.

            Lorsque Nkongolo Mwamba s’installa à Mwibele, Mijibu était son conseiller spirituel. C’est ainsi qu’un jour, Mijibu fit appeler Nkongolo et lui tint ce langage  Le Bulopwe », ce qui veut dire le pouvoir royal, s’avance vers Boya. Tu ne pourras jamais être souverain, car tu es le fils d’un roturier. Mais si tu veux te faire un nom et une belle situation, il te suffit de bien accueillir et respecter le nouveau chef. Si par contre tu lui résistes, tu mourras.

            Nkongolo fut très surpris et inquiet en même temps en entendant les paroles de son conseiller. Il décida, en plus de Mijibu, de supprimer le futur chef sans tarder, bien qu’il ait assuré à Mijibu qu’il respecterait ses conseils.

            Chapitre III Bulopwe ou le pouvoir royal

            §1 : L’arrivée de Mbidi Kiluwe

            A l’époque où Nkongolo Mwamba faisait ses conquêtes de régions de l’ouest du Lwalaba, beaucoup plus à l’Est, vivait un chef qui se disait Roi de Bupemba. Il s’appelait ILUNGA KILUWE et se surnommait SANGO WA MPEMBA, MWENGA WA NGALABA (est-ce le même homme ?). Sa capitale, Membe, était située, probablement sur la rivière Moba. Certains prétendent qu’il venait du Tanganyika.

            ILUNGA KILUWE avait deux fils : MBIDI KILUWE et Ndala, et une fille, MWANANA. Il aimait beaucoup cette dernière, et comme il se sentit vieillir, il eut voulu que sa fille lui succéda. Mais, ses sujets décidèrent que Mbidi Kiluwe serait leur chef et firent nettement comprendre à la fille qu’ils ne voulaient pas d’elle comme souveraine. Cela créa une certaine aversion entre ses deux frères et elle.

            La tradition ou la légende raconte que cette fille, Mwanana avait un lion apprivoisé. Un jour, Mbidi Kiluwe jouait avec l’animal, celui-ci s’échappa. La sœur, furieuse et le coeur plein de jalousie, dit à son frère que si il ne réussissait pas à lui ramener son favori, elle demanderait à son père de le tuer.

            Ainsi, Mbidi Kiluwe emmena ses femmes et ses esclaves ; il laissa à son fils aîné (ou son frère), Bombwe Mbidi, la garde de ses propriétés. Ils se mirent en route pour suivre le lion en suivant ses empreintes jusqu’à l’autre côté du Lwalaba. Après quoi, ils perdirent sa trace dans les plaines de Kabanza.

            Mbidi Kiluwe trouva du gibier en abondance sur les rives de la Lovoi, il commença à chasser le long de ces rives jusqu’à Kyankodi. Il fut maître partout où il passait ; mais ses femmes et ses esclaves eurent peur dans cette région inconnue. Il leur ordonna de camper au confluent de Kyankodi, tandis que lui, accompagné de son fils chargé de porter ses armes, continua sa route afin d’explorer la contrée.

            §2 : Rencontre entre Nkongolo et Mbidi

            Mbidi Kiluwe et son fils suivirent la rivière Kyankodi jusqu’à sa source. Comme celle-ci prend naissance sur les mêmes hauteurs que la Lukuvu et la Luvidjo, ils descendirent cette dernière jusqu’à ce qu’un jour ils rencontrent deux belles filles qui relevaient une nasse dans les marais de la Munza.

            La nasse était trop lourde pour les jeunes filles. Mbidi Kiluwe leur cria de ne rien craindre et s’avança vers elles. Il ramena la nasse vers le bord de la rivière et continua sa route. Mais pour les deux  filles, ce fut le coup de foudre. Elles rentrèrent au village et racontèrent leur rencontre avec le bel étranger à peau noire, si fort, si agile à leur frère. Nkongolo soupçonna que l’étranger ne pouvait être que le chef dont il craignait l’arrivée, il lança ses guerriers à sa recherche, avec ordre de le tuer et de lui rapporter sa tête.

            Mais un chasseur aussi subtil que Mbidi n’allait pas se laisser prendre par surprise. De son côté, il avait soupçonné que les filles parleraient de lui à leur frère, il se tint sur ses gardes. Il entendit venir les guerriers et grimpa dans un arbre ; il les vit le chercher partout, mais en vain. Ils rentrèrent pour annoncer qu’ils n’avaient pas vu l’étranger.

            Ce que la force n’avait pas pu faire, l’amour allait le réussir. Mabela et Bulanda parvinrent à convaincre leur frère pour qu’il ne tue pas l’étranger avant d’avoir su quel individu il était. Elles rentrèrent sur les lieux et se mirent à la recherche de Mbidi Kiluwe. Ne l’ayant pas trouvé et exténuée, elles s’approchèrent d’une source pour se désaltérer, elles aperçurent l’homme dont l’image se reflétait dans l’eau. Elles le supplièrent de descendre et de les accompagner jusqu’à la maison de leur frère. Il accepta et envoya son fils lui ramener ses femmes et ses esclaves.

            On fit à Mbidi Kiluwe une réception amicale. Il était si adroit, si fort et si souple que Nkongolo pensa : « Avant de le tuer, je veux me rendre compte s’il ne peut pas m’être utile ». Tandis que de son côté, Mbidi Kiluwe prit soin de cacher sa personnalité sous un masque d’indifférence polie.

            Mais lorsque le fils de Mbidi revint accompagné de la suite de l’inconnu, Nkongolo alla trouva Mijibu le prêtre, et lui dit :  « Qui est cet étranger qui est arrivé chez nous ? Comment dois-je le traiter ? Quand les gens de sa suite le salue, il ne répond pas. Quand ils s’approchent de lui, il reste assis et quand on lui présente la nourriture, il refuse de la manger en public, il ordonne de la porter dans un endroit obscur où il peut manger sans être vu ».

            Mijibu lui répondit : « Réjouis-toi, car le pouvoir royal (bulopwe) va être établi parmi nous. Traite l’étranger avec grand respect et fais lui construire des cases avec enclos de roseaux. Tue des esclaves et répands leur sang dans l’enclos, car c’est alors seulement qu’un chef peut vivre en paix ».

            Nkongolo s’était gardé jusque là de toucher à l’étranger parce qu’il voulait satisfaire sa curiosité, mais, à présent, il craignait l’escorte armée de l’étranger. Il ne fit rien de ce que Kitobo lui avait recommandé. Mais, Muleya, le père de Nkongolo, se réjoui ouvertement et prépara pour les nouveaux arrivés huttes et enclos nécessaires. C’est ainsi que Mbidi Kiluwe avait pu s’établir au village de Nkongolo.

            §3 : Rivalité entre les deux hommes

            Mbidi Kiluwe prit pour femmes Mabela et Bulanda, en dépit de ses sentiments ombrageux, Nkongolo donna la bénédiction aux unions avec ses sœurs. Mais la situation resta tendu au bord du lac Boya : Nkongolo ne pouvait pas se résoudre à jouer le rôle d’un subordonné. Il décida de harceler son rival afin de le mettre mal à l’aise et le forcer ainsi à décamper ainsi il pourrait rentrer chez lui.

            Sans répit, il commença à insulter Mbidi Kiluwe, se moquant ouvertement du vide (buzole) laissé à la mâchoire inférieure par l’absence de deux incisives. Ce dernier, de son côté, habitué à la courtoisie et à la déférence de son milieu ne pouvait plus supporter la grossièreté  de Nkongolo, il commença à le bafouer devant ses sujets : « Tu mâches des olives (mpafu) devant tout le monde alors que tu dis que tu es chef ; comme un esclave, tu t’assieds par terre, les jambes croisées ». (En fait, Nkongolo ne savait pas adopter l’attitude qu’exigeait l’autorité des chefs devant leurs subordonnés).

            Les relations entre les deux hommes devenaient de plus en plus tendues, invivables jusqu’au jour où Mijibu, prétendant se trouver sous l’influence des esprits, comme cela lui arrivait de temps en temps, se mit à parcourir le village en murmurant des prophéties ; il réussit ainsi à souffler à l’oreille de Mbidi kiluwe : « Si tu tiens à la vie, rejoins-moi hors de l’enclos demain matin au chant de coq ». Fidèle au rendez-vous, Mbidi Kiluwe apprit que Nkongolo le tournait en ridicule devant ses propres esclaves pour l’obliger à déguerpir. Il cherchait le moyen de le tuer s’il ne partait pas.

            Mbidi Kiluwe indigné, fit appeler Mabela et Bulanda et, leur remettant à chacune une flèche façonnée de manière bizarre , leur dit : « Vous serez bientôt mère de mes enfants, mais il est impossible pour moi de les voir ici. Si toutefois, ils désirent plus tard, être reconnus par moi, qu’ils me rejoignent à Membe et me présentent ces flèches ».

            Puis après avoir servi à Nkongolo une sévère réprimande devant le village entier, il rassembla son petit monde et retourna dans son pays. Il ne revint plus jamais dans la région. Il avait confié ses enfants à naître aux bons soins du vieux Mijibu.

            Une autre version raconte que, quoique ayant donné ses sœurs à Mbidi Kiluwe, Nkongolo était resté en relations intimes avec elles. C’est pourquoi avant de partir, Mbidi Kiluwe aurait déclaré à son rival : « Si les enfants qui seront de deux femmes sont bronzés, ils sont à toi, s’ils sont noirs, ils sont à moi ».

            Rentré chez lui, Mbidi Kiluwe apprit la mort de son père et il trouva le peuple qui l’attendait pour le proclamer souverain. Sa sœur Mwanana, en l’absence de son frère, craignant de demeurer dans un milieu hostile, avait réuni une escorte pour rejoindre Mbidi Kiluwe, mais ayant perdu sa trace aux environ de Lovoi, et poursuivant son voyage, avait atteint la région de Barunda où elle devint une des femmes du chef.

            Chapitre IV : Le royaume Luba

            §1 : Kalala Ilunga

            Après le départ de Mbidi Kiluwe, quelques temps plus tard, Bulanda eut un fils, tout noir ; elle l’appela Ilunga, comme son grand-père (Ilunga Kiluwe, père de Mbidi). Peu de temps après, Mabela donna le jour à des jumeaux, un garçon et une fille, Kisula et Nshimbi.

Kisula devint une sorte de géant, mais avait un esprit lent. Tandis que Ilunga était agile et très intelligent, généreux vis-à-vis des amis mais intraitable pour ses ennemis. Il devint rapidement le meilleur coureur, sauteur, tireur d’élite et meilleur danseur de la cour.

            Grâce à l’aide de son neveu Ilunga, la réputation et les conquêtes de Nkongolo Mwamba s’étendirent  au loin et il finit par assujettir  pratiquement tout le pays des Baluba : certains habitants le furent par la force, d’autres par la diplomatie et par la ruse dont les Bene Katunda peuple très habile quand ils s’agissait de lancer les « mitobolo » (légère hache de combat).

            La renommée de Ilunga était telle qu'elle lui valut bientôt le titre de Kalala, le chef des armées. Il soumit à son commandement des tribus jusqu’aux régions lointaines de Kalebwe et Songi  et réussit à y implanter sa légendaire réputation. Au pays des Baluba, il plaçait à la tête de chaque groupe de famille (clan) un chef, instituant ainsi le système de chefferie qui reste toujours en vigueur aujourd’hui.

            §2 : Rupture entre Kalala et Nkongolo

            A cette époque, on se livrait beaucoup à un jeu avec les noyaux d’olives (menga), l’équivalent de jeu de « billes ». En jouant avec son oncle, Kalala Ilunga parvenait toujours à l'emporter. Un jour, la vieille Mwamba, mère de Nkongolo, s’approcha des joueurs, elle fit la remarque à son fils : « Ils t’a pris tes noyaux, après cela il prendra tes clans (chefferie) ». Nkongolo, furieux de cette remarque, ordonna à ses guerriers d’enterrer la vieille jusqu’au cou et il lui : « Mère, je ne permets à personne de se moquer de moi impunément. Si tu ricanes encore à mes dépens, je t’enterrerais vivante ».

            La vieille Mwamba croyant à une plaisanterie se mit à rire aux éclats, ce sur quoi son fils s’empara d’une houe et l’enterra de ses propres mains. D’où cette expression restée courante dans la littérature orale luba : « Wasepa kisadi, kyasepele Ina-Nkongolo ».

Mais la prédiction  de sa mère ne pouvait pas être enterrée avec son corps. Elle résonnait toujours dans la mémoire de Nkongolo Mwamba et fit naître en lui une tenace jalousie vis-à-vis de son neveu jusqu’à ce qu’il formât le projet de l’éliminer, et cela d’une façon si dramatique et si spectaculaire que cette mort aurait établi, une fois pour toutes son autorité et sa suprématie.

            Comme dans le cadre des Bene-Katunda, il commença par employer la flatterie : « Que tu danses gracieusement, Ilunga : le royaume tout entier devrait venir t’admirer. Etablissons un grand concours et tu pourras montrer ton adresse aux gens ». Puis en secret, on creusa un puits dans la plaine N-E du lac Boya et le fond de la fosse fut garni des pieux et des lances aiguisées. Enfin, on recouvrit le tout de baguettes légères et des nattes.

            Le grand jour arriva et la population s’assembla autour de l’endroit aménagé. Kalala avait un batteur de tambour professionnel (mungedi) nommé Kapya (Kahia) qui accompagnait et rythmait ses danses.

            Lorsque la danse commença, Kapya remarqua une légère dépression au centre de l’arène  et soupçonna Nkongolo d’avoir tramé un complot contre son neveu. Il ne dit rien, mais il résolut de sauver son ami. Chaque fois que Kalala s’approchait du centre, Kapya l’avertissait en code qu’il y avait un danger « uja ushinkila, panshi padi bwine nkala).   

            A ces avertissements, Kalala soupçonna qu’un piège lui avait été tendu et brandissant, d’un geste prompt sa lance de danse, il la jeta avec force au centre de l’arène. Traversant la natte de part en part, la lance disparut dans la fosse. Et sans hésiter, Ilunga qui avait compris courut et sauta au-dessus de la foule, il s’enfuit vers le Lwalaba, après avoir pris la flèche que son père avait laissée à sa mère.

            Au Lwalaba, il y avait un passeur, Kalala lui ordonna de le faire traverser sans retard et de ne pas faire traverser un homme bronzé qui le poursuivait sous peine d’être décapité dès qu’il reviendrait. Ce qui fut fait.

            Nkongolo, furieux d’avoir raté son coup et ne trouvant pas la pirogue (en effet, le passeur l’avait fait dériver par le courant), voulut tenter de traverser le fleuve sur des radeaux faits de tiges sèches des roseaux, il n’y parvint pas. Ayant compris le manège du batteur qui avait averti Kalala Ilunga du danger qu’il courait, Nkongolo le fit grimper dans un arbre et lui ordonna de battre le tambour pour rappeler Kalala. Kapya battit son tam tam en vain jusqu’au moment où, exténué, il tomba et succomba (probablement tué). Après des vaines tentatives de poursuivre Kalala Ilunga, Nkongolo s’en retourna chez lui.

            §3 : La mort de Nkongolo      

            Nkongolo avait beaucoup entendu parler, entre autres de la bouche de Mbidi Kiluwe, des grandes peuplades de Membe et compris de quelle force pouvait disposer son ancien rival, pour se dire que Kalala Ilunga reviendrait à la tête d’une armée afin de se venger. Il alla trouver le vieux Mijibu pour lui demander conseil. Mais ce dernier lui dit : « Tu as agi stupidement en voulant détruire le Bulopwe ; maintenant tu perdras la vie ».

            Nkongolo, plein d’amertume et d’angoisse se retira accompagné de Mabela et de Bulanda dans les cavernes de la colline de Kayi, dans la région de Bene Kanyoka ; il y vécut caché, confiant en la loyauté de ses sœurs. Mais ces dernières avaient d’autres idées en tête : au moment de partir, elles avaient laissé des consignes au lac Boya, afin que Kalala puisse être informé, dès son retour, du lieu de leur cachette.

            Les cavernes avaient plusieurs recoins secrets, mais l’entrée était unique et fort étroite. Chaque jour Nkongolo grimpait au sommet de la colline afin de se chauffer au soleil et sans doute aussi pour surveiller les alentours afin de guetter l’arrivée de l’ennemi. Pendant ce temps, les femmes allaient chercher à manger, et chaque jour, elles rapportaient avec elles des fagots de bois en disant à Nkongolo que c’est pour se chauffer et pour préparer la nourriture en cas de siège.

            Un jour enfin, Mabela aperçut l’avant-garde de Kalala à travers la forêt. Elle parvint à l’avertir et à lui donner des instructions nécessaires : il ne fallait pas venir encercler la grotte mais attendre qu’elles aient bouché l’entrée de la grotte au moment où Nkongolo ferait sa sortie matinale et le surprendre dehors.

            Les guerriers de Kalala suivirent à la lettre les instructions données par les femmes. Surpris au sommet de la colline, Nkongolo voulant regagner sa retraite trouva l’entrée de la colline barricadée il comprit qu’il avait été trahi par ses femmes-sœurs. Il fut capturé et décapité.

            Les guerriers n’avaient pas directement rapporté la tête de Nkongolo à son neveu Kalala. L’on ne peut dire avec précision  les raisons pour lesquelles ils l’avaient abandonnée sur une monticule, et lorsqu’ils revinrent pour la chercher, ils ne la trouvèrent plus : une termitière l’avait engloutie.

            Légende ou vraie histoire, l’on raconte que Nkongolo avait eu deux fils de sa sœur (demi-sœur) Nsungu-wa-Kaseya : Bunda Mukaya et Mwine Ndayi. Ceux-ci, dit-on, firent à leur père des funérailles royales : on l’enterra dans le lit de la Lomami que Nkongolo avait détournée. Une autre version dit que ce sont Kalala Ilunga et ses guerriers qui l’enterrèrent après l’avoir décapité.

            Il est vrai que l’histoire de Nkongolo Mwamba est recouverte de beaucoup de légendes et de diverses versions, selon que les auteurs (étrangers) ont pu la recueillir ou la comprendre de leurs interlocuteurs ou de leurs traducteurs.

            §4 : Kalala Ilunga : Mulopwe

            Après sa victoire sur son oncle, Kalala Ilunga prit-il forcément le pouvoir comme souverain des Baluba ? C’est une version qui semble pratiquement plausible que certains ont rapportée.

            Cependant, il y a lieu de croire que Kalala Ilunga, homme avisé et intelligent avait hérité du tempérament de sang royal de père Mbidi Kiluwe qui, pour assujettir n’employait la force des armes qu’en cas de nécessité. D’où, dans une autre version,  l’on raconte que, pour la succession de Nkongolo Mwamba, la population décida qu’un de ses enfants devait être sacré roi.

            Après avoir écarté Bunda et sa sœur Nsungu pour raison de consanguinité, l’on obligea à Kalala et à Kisula de se battre en duel. Kisula qui était un géant, au moment où il allait l’emporter sur Kalala, sa sœur Nshimbi qui avait une grande affection pour ce dernier vint à la rescousse de Kalala qui frappa à mort son adversaire. C’est ainsi que Kisula vaincu, Kalala Ilunga fut proclamé successeur de Nkongolo et fut investi Mulopwe des Baluba (ayant rapporté les insignes royaux de son père Mbidi Kiluwe). Il s’établit à Munza et prit le nom de Mwine Munza.

            C’est à partir de cette époque que le nouveau Mulopwe doit se construire son village à un autre endroit que celui qu’occupait son prédécesseur. L’ancien village est alors confié à une femme, en général la sœur de l’ancien souverain. Cette dernière devient cheffesse de ce village mais doit payer le tribut au nouveau roi.

            Et à la mort du Mulopwe, il fut décidé que le pouvoir devrait désormais revenir à son fils aîné. Cependant les frères de ce dernier chercheraient à le détrôner et se font une guerre sans merci. Cette lutte ne prend fin qu’à la mort des protagonistes, c’est alors que le vainqueur, resté seul, pourra régner sans problème. C’est pourquoi le fils aîné du souverain doit chercher refuge et protection et aussi renfort dans le village de sa mère, ses oncles et ses cousins du côté maternel sont ses alliés les plus sûrs, il en est de même pour les autres enfants du suzerain.

            Kalala assujettit les populations riveraines du Lwalaba dont faisaient partie les Bene-Kayumba, Mulongo, etc. Il envoya son fils Kazadi soumettre les Bene Kisamba, tributaires des ancêtres de Nkongolo, dans les régions des Bene Kalundwe qui refusaient de le reconnaître comme Mulopwe. Ils furent battus par Kazadi. Ce dernier tombera malheureusement malade et mourra dans la région de Kisamba.

            Kalala Ilunga est le premier Mulopwe de l’empire luba ; il avait apporté (de son père Mbidi Kiluwe) les insignes royaux et il fut intronisé selon les normes requises : il fut sacré et le dikubi (cachet en peau de chat sauvage : nzuji) contenant l’argile blanche (mpemba) étaient les éléments principaux de l’investiture du chef. Aussi les hommes forts qui avaient des ambitions de pouvoir devaient-ils se rendre kwipata pour se procurer ces insignes.

            §5 : De Kalala à la décadence

            La généalogie  des empereurs luba se présente comme suit de Kalala Ilunga à la décadence de l’empire.

  1. Kalala Ilunga, fils de Mbidi Kiluwe et neveu de Nkongolo Mwamba
  2. Ilunga wa Luhefu, fils de Kalala Ilunga, il s’installa à Bisonge. Il n’entreprit pas de guerre, mais fut un mauvais pour ses sujets. Il fut empoisonné par son fils Mwine-Kabanze. Un autre fils de Kalala, Ilunga Kibinda, se rendit chez les Aruund y épousa la princesse Ruwej, il devint souverain des Lunda ;
  3. Kasongo Mwine Kabanze, fils de Ilunga wa Luhefu, s’établit à Kibanza. Il mit au monde beaucoup d’enfants, mais eut aussi beaucoup de malheurs en famille, tous ses enfants moururent, la plupart dans des conditions dramatiques, un seul survécut.
  4. Kasongo Kabundulu, fils de Mwine Kabanze, le seul qui resta en vie, n’avait pas de frères à combattre, il s’établit à Katundu.
  5. Ngoy-a-Sanza, fils de Kasongo Kabundulu, résida à Kapulu, son frère Kalenga Makasa avait été tué par un buffle.
  6. Mwine Nkombe Ndayi, fils de Ngoy-a-Sanza, s’établit à Nkombe. Il devint très vieux au grand désespoir de ses fils qui décidèrent de l’empoisonner, mais il mourut foudroyé, il laissa deux fils : Kadilo et Maloba
  7. Kadilo Sokela Bota, fils de Mwine Nkombe, s’installa à Budi. Il fut très bon et très entreprenant : il conquit plusieurs régions au-delà de la Lomami. (Il faut noter qu’à la mort du souverain, certaines seigneuries refusaient d’obéir au nouveau souverain ; il fallait les y forcer). Kadilo mourut peu après cette campagne.
  8. Kenkenya, fils de Kadilo s’établit à Bwilu. Il combattit ses deux frères Kasongo Kahombo et Tomba, mais il mourut peu après et laissa quatre fils.
  9. Ilunga Nsungu succéda à son père Kenkenya et s’établit à Lubala. Il combattit ses frères Wakahata et Muketo, le troisième Kasongo Ngole mourut de maladie. Ilunga Nsungu tenta de soumettre les Bene Kalundwe, mais il fut battu par Kanonge, chef de Mutombo Mukulu. Il fit des expéditions réussies entre le Lwalaba et le lac Tanganyika d’où il reçut des tributs et les hommages notamment de Mambwe Mukulu. Ilunga Nsungu avait cinq fils.
  10. Nkumwimba Ngombe succéda à son père Ilunga Nsungu, il résida à Budumbe. Il battit ses deux frères, le troisième renonça au titre de chef et le quatrième mourut en bas âge. Nkumwimba Ngombe fut un grand guerrier et un grand organisateur. Il envoya partout des émissaires chargés de surveiller ses tributaires ; il fit des conquêtes à l’ouest et à l’est du Lwalaba et même jusqu’au Tanganyika. Il soumit à son autorité des populations des régions de Lubudi, de Kinda, du Lwalaba, des lacs Kabwe et Upemba. Il reçut tribut des populations entre le Lwalaba et le Tanganyika. Sous son règne, Buki étendit l’empire des Baluba vers le nord (Territoire de Kongolo, de Kasongo et de Maniema). C’est sous le règne de Nkumwimba Ngombe que l’empire luba atteignit son apogée.
  11. Ndayi Mushinga, fils de Nkumwimba Ngombe, n’eut pas le temps de construire un village car, après une année de règne, il fut battu et tué par son frère Ilunga Kabale.
  12. Ilunga Kabale, après avoir vaincu son frère Ndayi Mushinga, combattit et tua encore deux autres frères. Il se fixa, de force chez Bene Dyombo. Selon certaines traditions, Ilunga Kabale fut neutralisé par son fils Kitamba.
  13. Maloba Konkola, fils aîné de Ilunga Kabale, lui succéda, mais trois mois après, il fut battu et décapité par son frère Kitamba.
  14. Kitamba prit le pouvoir, il battit encore un frère, mais un an après, lui aussi fut tué par son frère Kasongo Kalombo, cinquième fils de Ilunga Kabale.
  15. Kasongo Kalombo, fils de Ilunga Kabale, succéda à Kitamba. Il tenta de combattre Ndela, un forgeron qui s’était enrichi dans la région de Munza grâce aux mines de fer. Il fut blessé et se retira à Kasolo. Ndela se fit nommer chef des Bene Lububu. Kasongo Kalombo après s’être procuré des fusils à silex provenant d’Angola, revint dans la région et battit Ndela. De retour à Budi, son fusil éclata et lui enleva la moitié de la main gauche, il mourut des suites de sa blessure.
  16. Ndayi Mande, frère de Kasongo Kalombo lui succéda, combattu par son frère Kasong’wa nyembo, il s’enfuit chez les Lunda où il acheta des armes et des munitions et recruta des partisans. A son retour, il battit son frère Umpafu à Kudyanga, mais il ne réussit pas à prendre le dessus sur Kasong’wa Nyembo, ce dernier parvint à l’éliminer.
  17. Kasong’wa Nyembo qui avait pris le pouvoir de Ndayi Mande eut affaire à son frère Kabongo avec qui il engagea une guerre qui dura des années et qui coûta beaucoup en vies humaines et en richesse à la population.

            Chapitre V : Bombwe Mbidi et le royaume de Kinkondja

            &1 : Voyage de Bombwe Mbidi

            Pour les raisons que nous connaissons, Mbidi Kiluwe avait quitté le royaume de son père pour effectuer un long voyage qui le mena jusqu’au-delà du fleuve Lwalaba: il devait ramener le lion de Mwanana qu’il avait laissé échapper de sa cage alors qu’il jouait avec.

Avant son départ, deux faits importants sont à retenir : premièrement, son père ayant vieilli avait souhaité que sa fille Mwanana qu’il chérissait tant lui succéda, mais la population ne l’avait pas accepté et avait décrété que Mbidi Kiluwe deviendra son souverain. Deuxièmement, Mbidi Kiluwe avait confié la garde de ses biens et ses propriétés à son frère Bombwe Mbidi.

            C’est probablement à la mort de Ilunga Kiluwe en raison du problème de la succession  que Bombwe Mbidi se décida également d’entreprendre le long voyage pour suivre Mbidi Kiluwe et le ramener sur leurs terres.

Bombwe Mbidi, une fois arrivé dans la région du Kisale, ne traversa pas le fleuve. Durant son séjour dans cette région, il fit la connaissance d’une jeune fille appelée Bwina qu’il prit pour femme. Mais comme il n’avait pas trouvé son frère Mbidi Kiluwe, il prit la décision de rentrer au pays, laissant Bwina, sa femme, enceinte et lui demanda que le fils, une fois né,  le suive chez lui.

            §2 : Fondation du royaume

            Bwina mit au monde un fils qu’on appela Kapolo waba Mbwina. Devenu grand, Kapolo se rendit chez son père d’où il revint avec des insignes de chef. Il épousa une femme de Kakenza et s’établit dans cette localité. Il eut un fils qu’on nomma Longwa.

            Bien que Kapolo, rentré de la région de son père Bombwe Mbidi avec des insignes de chef, ne fut pas pris comme tel. Son fils Longwa, devenu un homme, en chassant, rencontra une jeune femme nommée Bumbwa. Celle-ci le présenta à son père Kapanda, chef de la région de Kisale. Longwa épousa Bumbwa puis retourna chez son père Kapolo à Kakenza. Il lui demanda s’il pouvait s’installer chez Kapanda, dans la région de Kisale où gibier et poisson abondaient.

            Kapolo accompagné d’un groupe de gens venus avec lui de la contrée de son père Bombwe Mbidi, suivit Longwa et vint s’installer chez Kapanda, dans la région de Kisale. Un jour, au cours d’une querelle entre les deux familles, Kapolo tuaKapanda, proclama et investit son fils Longwa comme chef de Kisale. Longwa fut ainsi le fondateur du royaume de Kinkondja.

            Nkumwimba Ngombe, dixième empereur des Baluba, en conquérant et soumettant les populations des régions Kinda, de Lubudi, du Lwalaba et des lacs Kabwe et Upemba, incorpora en même temps le royaume de Kinkondja dans le grand empire des Baluba.

            Chapitre VI : Les royaumes luba fondés dans d’autres territoires que ceux des Baluba

            Buki, frère de Ilunga Kabale, avec l’aide des autres membres, dirigea des expéditions militaires contre les Bahemba et les Babangobango du Nord de Kongolo. Il soumit les gens de Kuvu et de Niemba, les Basonge du Maniema et les Wagenia du Fleuve.

            Ilunga Mwevu, parent de Biki, fonda et organisa une grande seigneurie, celle de Wazula, sous l’autorité de Buki. Quand Ilunga Mwevu mourut, son fils Kahambo lui succéda et continua son œuvre. Kekenia, fils de Buki, succéda aussi à son père. Ainsi les seigneuries de Maniema restèrent sous l’autorité des chefs baluba jusqu’à l’arrivée des Européens qui les divisèrent en plusieurs chefferies.

            Chapitre VII : Histoire de Zibangandu        

            Qu’on ne soit pas trop surpris de trouver conté ici l’histoire d’un tout petit territoire dans ce vaste empire, alors que des seigneuries importantes ne sont pas citées. Les événements qui s’étaient passés dans cette région ont souverainement marqué les esprits des dignitaires d’une famille impériale et ont laissé des souvenirs inoubliables dans les annales d’un royaume.

            §1 : Cadre géographique de la région

            Zibangandu est un tout petit territoire qui se trouve entre la chefferie de Kabondo (N-E et Est) et la chefferie Kasong’wa Nyembo (N-O et Ouest) et les Bene Bukwamadi (Sud). Il est à quelques 75 km sur la route de Bukama.

Il comptait cinq villages au temps de la colonisation : Nsalela, Kalamba, Kisulo, Kalombo et Kimilundu. Ce dernier fut le plus important et le plus ancien : il était protégé par une palissade qu’on appelle « Mpembwe » (les autres disent « nsakwa »). Ce petit territoire était devenu autonome suite à une série d’événements.

            §1 :Manifestation divine ou Mukishi wa Monga na Umba          

            Il est difficile de situer la période à laquelle l’événement eut lieu. La tradition orale rapporte l’historique comme suit :

Un chasseur, nommé Nzadi, errait dans la région de Zibangandu à la recherche de quelques gros gibiers (Buffles, antilopes cheval), sa sœur l’accompagnait dans cette aventure. Un jour celle-ci était allée à la recherche des ignames sauvages lorsqu’elle entendit une voix qui l’interpella et lui dit : « N’aies pas peur, va dire à ton frère qu’il se vêtisse des peaux de « tolwe » ; qu’il prenne un bâton de « Nswashi » et vienne me trouver ».

            Il faut signaler que « tolwe » est une belle antilope d’une peau brun-jaune, qui vit dans les savanes herbeuses, elle est de la famille des impala. Quant à nswashi, c’est un arbre sauvage d’un tronc bien solide qui peut atteindre plus ou moins dix mètres de hauteur. Avec ses jeunes tiges, on peut faire des bâtons assez droits.

            Le chasseur Nzadi fit comme cela lui avait été recommandé, il se vêtit des peaux de tolwe, il prit le bâton nswashi à la main et se rendit sur le lieu qui lui avait été indiqué. C’est là qu’il rencontra Vidye, Dieu des ancêtres. De cet ordre donné de prendre avec lui un bâton, les gens ont commencé à dire cette anecdote : « Ku Zibangandu-a-kakombo, kadi kakombo bakamwela : (Zibangandu où il faut prendre son bâton, sans bâton on te rejette).

            Le Seigneur dit alors à Nzadi : « va maintenant auprès du chef de cette région, annonce-lui ma venue et ma présence sur son territoire, et qu’il vienne me voir à son tour.

Comme Nzadi était étranger dans cette région, il ne connaissait pas exactement qui était le chef, ni où il habitait. Il alla trouver Mwine Yimba, une grande notabilité et propriétaire des terres (Yimba) qui s’appelait Mwila Mpishi. Il lui raconta l’événement et lui rapporta l’invitation de Vidye. Mwine Yimba dit au chasseur : « C’est dommage, moi, je ne peux pas y aller car je bégaie ».

            Nzadi alla trouver un autre seigneur de terre du nom de Kazadi Myanda. Il lui répéta l’histoire et l’invita à aller rencontrer Vidye. Ce notable lui répondit qu’il était également dans l’impossibilité de s’y rendre, « car, dit-il, je suis atteint d’une hernie. Allons plutôt chez le chef de la région, puisque c’est à lui que revient cet honneur ». Ils allèrent chez le chef Mpandankusu qui avait sa résidence à Kimilundu. Nzadi lui apprit, avec pleins détails, tous les faits de ce grand événement et l’invitation du Seigneur-Dieu. Le chef Dya-Mpanda se trouva embarrassé et déclara : « je regrette que je ne puisse mériter cet honneur, car moi aussi, je suis impur, j’ai la lèpre, donc, je ne peux me présenter devant Vidye ».

            C’est ainsi qu’aucun des dignitaires de Zibangandu n’avait pu aller à la rencontre du Seigneur-Dieu. Alors le chef Mpandankasu envoya auprès de Vidye, un ami de Kazadi Myanda, le sieur Numbi-a-Mpombo, comme délégué. Ce dernier accepta l’offre, non sans quelque appréhension, en effet, personne n’était sûr du sort qui était réservé à celui qui répondrait à l’invitation. Il y alla quand même en lieu et place du chef, rendre hommage à Vidye.

            §3 : Conséquence de cet avènement       

            Après la rencontre de l’envoyé du chef avec Vidye, celui-ci dit alors à Numbi-a-Mpombo :  « Puisque le chef n’a pas voulu venir auprès de moi, je te nomme, toi, maître de cette région. Va dire à Mpandankusu qu’il te remette les insignes de chef (mikanda ou ceintures sacrées) et qu’il soit parrain de ton investiture ».

            Cette nouvelle émanant de Vidye contraria le chef Mpandankusu qui fut touché jusqu’à l’indignation. Malgré tout, il dut se soumettre, car personne ne pouvait s’opposer à l’autorité et à la force divines. A partir de ce jour, un étranger régna sur le territoire de Zibangandu : Numbi-a-Mpombo, ami de Kazadi Myanda était originaire de la chefferie Umpungu, de la localité de Mpushila.

            Comme signalé plus haut, Zibangandu était devenu autonome après l’installation du Mukishi wa Monga na Umba (c’est le nom donné à ce lieu sacré où s’est manifesté et montré l’Esprit de Dieu -Vidye). En fait, ce territoire dépendait de Dipata (cour et autorité royales). Mpandankasu venait de Kwipata lorsqu’il régna sur ce territoire. Il payait ses tributs directement à la Cour. Quand Numbi-a-Mpombo prit le pouvoir, il cessa toute dépendance à l’autorité impériale ; il ne payait plus de tributs du tout.

            En constatant cette insoumission à la cour royale, l’on convoya  une délégation à Zibangandu pour voir et essayer de remettre de l’ordre dans cette partie de l’empire. Mais lorsque les membres de la délégation arrivèrent dans la région, ils furent confondus et perdirent leur chemin. Ils s’en retournèrent à la cour sans avoir rencontré les responsables. A la cour l’on ne désarma pas. L’on essaya une autre délégation dont, parmi les membres figurait un personnage important dénommé Kibanda. Encore une fois sur place, tous les envoyés devinrent aveugles, à l’exception de Kibanda qui fut épargné afin qu’il puisse porter témoignage de ce qui s’était passé sur les terres de Monga na Umba.

            A partir de ce jour, les Bene Pata cessèrent toute relation avec Zibangandu ; et un interdit fut imposé au grand -Roi qui est resté jusqu’à ce jour : l’on doit le couvrir entièrement ou bander ses yeux afin qu’il ne puisse pas voir cette région de malheur. Toute chose quelle qu’elle soit, don ou tribut, en provenance de Zibangandu, devait être exclu de la cour du roi (voire de la localité) sous peine de mort pour ce dernier.

            Chapitre VIII : La décadence de l’empire Luba

            §1 : Conflits entre Kasongo-a-Nyembo et Kabongo

            A l’arrivée des Européens, vers 1892, Kasongo-a-Nyembo était en guerre avec Kabongo, le seul frère qui restait (à éliminer). Afin de pouvoir le vaincre, Kasongo-a-Nyembo s’allia aux forces de l’expédition le Marinel qui se rendait chez M’Siri, chef des Bayeke. L’expédition combattit Kabongo, qui de son côté, s’allia aux Batetela, soldats de la force publique révoltés. Kabongo et ses alliés furent battus. Ils s’enfuirent et allèrent s’installer à Mulenda, mais n’abandonnèrent pas la lutte pour autant.

            Après le départ de l’expédition, Ils revinrent pour attaquer Kasongo-a-Nyembo à Nsamba. Ce dernier s’enfuit et se réfugia à Kabinda où il y avait un poste colonial et où il resta cinq ans. Toute la région comprise entre la Lomami et la Lovoi fut pillée par les Batetela et Kabongo. Ils furent battus par Mr Malfeyt près des sources de la Lomami à Kakipango. Kabongo retourna s’installer à Lubyayi (sa mère venait de cette partie du territoire) et Kasongo-a-Nyembo, revenu de Kabinda s’installa à Nsamba.

            §2 : Division de l’empire

            Lorsque les européens prirent le pouvoir en mains, ils déclarèrent indépendantes plusieurs seigneuries et les appelèrent Chefferies; ainsi naquirent les Bene Kalundwe, Bene Kanyoka, Bene Lwalaba, Bene Nsamba (kinda), Bene Kabondo, etc. Ils divisèrent le reste de l’empire en deux parties : Kabongo reçut la partie nord et Kasongo-a-Nyembo la partie sud. Les deux chefferies prirent les dénominations de Kabongo et Kasongo-a-Nyembo.

            L’insoumission du Chef Kasongo-a-Nyembo à l’autorité coloniale provoquera sa relégation à Buta dans la province orientale. Il laissa la gestion de l’empire à son fils aîné Ilunga Umpafu Nkumwimba. Ce dernier fut remplacé par son frère Kisuku ; à la mort de Kisuku, Ndayi Emannuel, alors infirmier à Kabalo (sa mère était de Kabalo), dernier fils de Kasongo-a-Nyembo le remplaça de là est né le système rotatif entre les trois familles pour ce qui est de la gestion et de la succession à la tête de la chefferie Kasongo-a-Nyembo).

            CONCLUSION

            Dans l’esprit luba, il faut savoir que la tradition ancestrale constituait un ensemble cohérent d’histoire, de mœurs et de religion. Le Bulopwe ou le pouvoir royal a constitué l’unité des Baluba. Le tout était religieusement conservé et tenu avec le plus profond respect pour être enfin, transmis de père en fils, et de génération en génération avec une fidélité rigoureuse.

            L’on a compris, dès le début de l’histoire, qu’un homme Nkongolo Mwamba) a voulu imposer son pouvoir aux gens, dicter sa domination et s’octroyer, de son propre chef, le Bulopwe . Mais Vidye (le Seigneur-Dieu) est intervenu. Par l’intermédiaire de son Kitobo, Il a réagi et décidé d’organiser les choses selon sa volonté.

            C’est ainsi que l’on remarquera, dans l’histoire de l’empire luba, que tout le cheminement du Bulopwe a été marqué par la présence divine (de Vidye). C’est-à-dire, par l’entremise du Butobo qui était la manifestation divine ou la présence de l’Esprit de Dieu, Kitobo (prêtre et prophète) était l’intermédiaire entre Vidye et les hommes. D’où du commencement de l’empire jusqu’à la fin, il y a à retenir trois étapes :      

            1.Du premier Butobo, Vidye Mpanga-Maloba (Créateur de la terre) refuse le Bulopwe à Nkongolo Mwamba. Il accepte Mbidi Kiluwe qui emmène avec lui le Bulopwe. C’est ainsi que, dans l’histoire, il n’y a que les Bene Kalundwe qui considèrent Nkongolo Mwamba comme leur Mulopwe (il y a lieu de comprendre cela quand on lit attentivement le début de son histoire). Tout semble bien se passer jusqu’au moment où commencent les hostilités entre les deux frères Kasongo-a-Nyembo et Kabongo.          

            2. Au moment où Kasongo-a-Nyembo, fuyant son frère Kabongo, vient s’installer à Nsamba, il trouvera Vidye Mpanga ne Banze (Créateur avec une femme-mère), Vidye aura-t-il décidé de la scission de l’empire ?      

            3. Dans l’histoire de ZibanganduVidye Monga na Umba aura octroyé l’autonomie à ce petit territoire, on sent déjà l’effritement du pouvoir royal ; c’est le commencement de la fin.

            Il y a lieu de remarquer également que dans la tradition luba, certaines choses n’ont pas toujours été à la portée de tout le monde quand il s’agissait de compréhension ou d’interprétation. C’est comme disent les Bene Zibangandu : « Wa ku Vidye ntumbo, binenwa ku Vidye komvu », c’est-à-dire que Dieu a voilé certaines vérités à la compréhension de n’importe qui.

Edité par Kyoto kya Bana ba Mbidi
2, rue du bois du bosquet 1331- Rosières
Tél. 02 6538023 GSM: 0479 458414 Fax : 02 6538023



21/01/2011
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