LA RÉPUBLIQUE ASSASSINÉE
La République assassinée
(F.M.)
Ceux qui ont assisté ou suivi à la télévision la séance plénière de l'ouverture solennelle de la session de mars à l'assemblée nationale le lundi 16 mars 2009 ont été étonnés par l'absence fort remarquable des membres du gouvernement, des mandataires des entreprises publiques et surtout du pouvoir judiciaire. L'absence qui a le plus choqué les observateurs était naturellement celle du pouvoir judiciaire considéré comme le socle de la démocratie.
Pourquoi ces absences et comment en est-on arrivé là ? Les fidèles lecteurs du Phare se souviennent que l'AMP avait décidé le boycott de la première et la deuxième séances de la session de mars de l'Assemblée Nationale. Une réunion extraordinaire convoquée le dimanche 15 mars confirmait la décision et injonction était donnée à tous les membres de l'AMP de ne point se présenter au Palais du Peuple le lundi 16 mars 2009. C'est donc en exécution de cet ordre émanant de l'AMP-fait privé, que les députés membres de l'AMP ont séché la rentrée de la chambre basse du parlement.
On attend maintenant de savoir qui a ordonné aux membres du gouvernement de ne pas se rendre au Palais du Peuple et qui a demandé aux mandataires publics, apolitiques au regard de la loi, de respecter le mot d'ordre de boycott donné par une plate-forme politique.
Violation du principe de séparation des pouvoirs Dans toute société humaine, les dérives ne manquent pas mais il existe des mécanismes qui permettent de les combattre ou d'en atténuer sensiblement la portée. Il en est ainsi des Etats qui peuvent compter sur le pouvoir judiciaire pour consolider les droits de tous les citoyens et leur assurer l'égalité devant la loi. L'absence de ce pouvoir à la cérémonie d'ouverture de la session de mars de l'Assemblée Nationale est interprétée comme une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs qui constitue le socle de la démocratie et gage de la bonne gouvernance. Un principe qui est inscrit en lettres d'or dans la constitution de la 3ème République et qui remonte au siècle dit des Lumières à partir des théories développées par le penseur anglais John Locke et particulièrement dans le célèbre livre 'Esprit des lois' par le philosophe et écrivain le Baron de Montesquieu. C'est ce principe qui a mis fin au système des Royaumes de droit divin tel celui du Roi Soleil Louis XVI qui ne se gênait pas de proclamer que ' l'Etat c'est moi et après moi ce sera le déluge'. Toutes les analyses politiques attestent que c'est ce principe de séparation des pouvoirs qui a été à l'origine non seulement de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme mais surtout de la Révolution américaine de 1776 et celle de 1789 en France ayant aboli la Monarchie des Bourbons. Ce principe est sacré dans les Etats démocratiques où il constitue le fondement même de leur existence et tout celui qui ose s'y attaquer est considéré comme un dictateur ou un fasciste.
Résurrection du M.P.R-Parti Etat Bon nombre des observateurs ont perçu à travers l'absence fort remarquée du pouvoir judiciaire lors de la séance plénière de l'ouverture de cette session de mars des signes précurseurs d'une dérive totalitaire qui pointe à l'horizon. Qui a donné le mot d'ordre de boycott au pouvoir judiciaire ? Si les magistrats de ces deux plus hautes instances judiciaires du pays en arrivent à obéir au mot d'ordre d'un fait privé, il y a péril en la demeure : la démocratie et la bonne gouvernance sont en danger de mort. Comment peut-on continuer à faire confiance à ces instances judiciaires dès lors qu'elles se mettent ouvertement au service d'un parti ou une plate-forme politique ?
Or, selon le législateur, c'est cette institution de la République qui jouit du monopole de dire le droit au nom du peuple congolais, c'est elle qui est chargée de donner raison à celui qui a raison et donner tort à celui qui a tort à l'issue d'un procès équitable et juste sanctionné par un jugement définitif. Si le pouvoir judiciaire se met au service d'une organisation politique extra parlementaire, la justice sera désormais rendue à la tête du client, au goût et pour des intérêts partisans d'un groupe privé. C'est la résurrection du M.P.R. Parti Etat avec d'abord le bureau politique et ensuite sa puissante Commission de Discipline qui a envoyé à la potence des centaines des nos compatriotes, détruit des milliers des ménages et appauvri tous ceux qui avaient eu maille à partir avec certains ténors du régime défait un certain 17 mai 1987. On se rappellera des procès organisés devant la Cour de Sûreté dont les décisions n'étaient susceptibles ni d'appel ni de révision. On se souviendra des décisions rendues par la Cour Militaire siégeant en procédure d'urgence et qui a envoyé devant le peloton d'exécution des brillants officiers formés dans des meilleures académies militaires de l'Europe et des Etats-Unis en détruisant par la même occasion et pour de longues générations l'une des meilleures armées du continent. Des procès célèbres comme l'affaire du Coup monté et manqué, l'affaire dite Major Kalume conclues par les fameuses opérations d'enveloppes pour se débarrasser définitivement des officiers originaires des provinces de l'Est et du Centre. On se souviendra du procès contre les dirigeants de l'UDPS qui a déclaré fou Etienne Tshisekedi et renvoyé en relégation dans leur propre pays les 13 parlementaires ! Que des familles disloquées et réduites à la misère à la suite des sanctions de confiscation des biens immeubles des officiers condamnés à mort conformément à des dispositions introduites deux années plus tard pour justifier dans le Code Pénal Militaire ! Des biens immeubles qui furent achetés en catimini et à vil prix par des ténors du régime alors au pouvoir ! Comportement déloyal et manquement à la discipline du parti En fait, c'est la puissante commission de discipline du Comité Central qui prenait des décisions de renvoi devant des juridictions judiciaires qui en définitive tranchaient dans le sens voulu par l'oligarchie politique. C'est le comportement déloyal vis-à-vis du chef suprême et le manquement à la discipline du parti entendus comme des infractions presque criminelles qui justifiaient des sanctions graves à infliger aux infortunés. Fort curieusement, ce sont ces mêmes accusations qui sont aujourd'hui portées à charge du président de l'assemblée nationale. Ironie du sort et comme par hasard, elles ont été claironnées sur les médias par un ancien ténor du régime du M.P.R. Parti Etat devenu, par la magie de la transmutation politique en RDC, l'un des dirigeants de l'A.M.P. . Comme pour dire, chassez le naturel, il revient au galop. Il n'est jamais trop tard pour mieux faire….. Que faire alors ? Les membres de l'actuel pouvoir judiciaire devraient s'armer d'un courage exemplaire pour ne plus tomber dans les mêmes fautes. Cela, pour retrouver la confiance que toute la nation et ceux qui ont choisi la RDC comme leur seconde patrie gardent encore en eux. Car, si le pouvoir judiciaire en arrive à obéir aux injonctions d'un fait privé, personne ne pourra se sentir en sécurité. Ce sera non seulement la démocratie qui sera assassinée, mais la République tout court. Il faut rapidement corriger cela car, comme on a l'habitude de la dire, il n'est jamais trop tard pour mieux faire.
http://www.lepharerdc.com/www/index_view.php?storyID=8082&rubriqueID=9
2009-03-23