L’aveu de Kabila interpelle… : Do you have right people to help you ?
Dans une interview accordée dernièrement au journal américain « New York Times », le Chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, s’est appesanti sur plusieurs questions, notamment celle liée aux opérations militaires conjointes de traque des FDLR par les armées rwandaise et congolaise, les dossiers d’extradition de Laurent Nkunda, le travail de la Monuc, le mandat d’arrêt de la CPI contre Bosco Ntanganda, le projet d’implantation d’une base militaire américaine en RDC, sa vision du mandat d’Obama, ses loisirs, les contrats chinois, le massacre du Bas-Congo, son entourage, etc. Alors que l’ensemble de l’entretien apporte un tas de réponses sur la gestion des affaires publiques dans notre pays, Joseph Kabila a surpris tout le monde en avouant publiquement qu’il n’avait pas, à ses côtés, les hommes qu’il faut pour l’aider dans ses lourdes charges d’hommes d’Etat.
L’homme seul ? «Avez-vous les bonnes personnes pour vous épaulez ? ». Telle est la question de New York Times. Il semble que Joseph Kabila aurait marqué une longue pause avant de répondre : « Mobutu a dirigé ce pays pendant plus de 32 ans. Il a créé une classe politique et une mentalité et nous n’en avons pas encore fini avec cela. Les anciennes méthodes sont mauvaises – corruption, mauvaise gouvernance, mauvaise gestion et tout cela. Notre plus grande erreur, c’est que nous n’avons pas eu assez de temps pour préparer et former nos propres cadres. Vous n’avez pas besoin d’un millier de personnes pour transformer un pays. Non, vous avez besoin de 3, 4, 10 ou 15 personnes, avec des convictions, déterminées et résolues. Ai-je ces 15 personnes ? Probablement, seulement 5, 6 ou 7, pas encore 15 ». A toutes fins utiles, nous proposons également la version anglaise au public : « Q. Do you have right people to help you ? R. (Long pause). Mobutu led this country for over 37 years. He created a political class and he created a mentality and we haven’t done away with that. The old ways are bad – corruption, misrule, mismanagement and all that. Our biggest mistake is that we have not found enough time to train and form our own cadres? You don’t need a thousand people to transform a country. No, you need 3, 4, 10, 15 people with necessary convictions, determined and resolute. Do I have those 15 people? Probably 5, 6, 7… not yet 15”. A l’audition de tels propos, on croit tomber des nues. Dès lors, le commun des Congolais se demande si Kabila ne serait pas l’homme seul, comme « Kasa-Vubu au cœur du drame Congolais », « Mobutu le Président-Fondateur du MPR, le Timonier, le Guide éclairé, le Père de la Nation… à qui le peuple zaïrois devait tout », ou « Mzee Laurent Désiré Kabila, le libérateur ». Apparemment, il est obligé de ne s’appuyer que sur 6 à 7 personnes, c’est-à-dire moins de 10, dans un pays qui revendique déjà 70 millions d’habitants, pour faire bouger les choses. C’est grave. Tirer les conséquences du « vide »… Lorsque Joseph Kabila déclare tout haut et sur la place publique qu’il n’a pas encore trouvé 15 personnes capables de l’aider dans son projet de transformation du pays, cela appelle une auto-interpellation chez chacun de nos concitoyens d’abord et chez ceux qui participent, comme mandataires actifs ou passifs, à la gestion courante des affaires publiques ensuite. Congolaises et Congolais cherchent à savoir la raison d’être d’un cabinet présidentiel composé de plusieurs dizaines de conseillers, d’un gouvernement de près de 60 membres, d’un Parlement de 500 députés et 120 sénateurs, si le Chef de l’Etat a du mal à trouver 15 collaborateurs compétents, patriotes, loyaux…bref, comme diraient certains, « vertébrés ». On peut penser que plus de 8 ans après son arrivée au pouvoir, Joseph Kabila évolue dans un environnement où il a le sentiment du vide, en termes de déficit d’hommes et femmes réellement engagés pour la cause de la paix, de l’unité nationale, de la reconstruction (5 chantiers), de la lutte contre les antivaleurs, de la réforme de l’armée et de la police nationales, etc. Pour d’aucuns, après l’aveu fait dans les colonnes de New York Times, le Chef de l’Etat devrait tirer les conséquences de la sécheresse des compétences dans son entourage. Il lui faudrait peut-être ratisser large, au-delà des faucons plus aguerris dans l’art des coups bas que celui de la refondation de l’Etat-Nation détruit par les années de plomb, des jouisseurs qui ont pris en otage les institutions de la République, des thuriféraires occupés à exhumer le Parti-Etat et la pensée unique, des architectes de la tribalisation des fonctions politiques, techniques et administratives, etc. Des talents et patriotes cachés, qui se comptent certainement par milliers, rongent leurs freins à l’ombre de ceux qui ont pris le pays en otage. Les Congolaises et Congolais attendent de lui un travail urgent de nettoyage des « écuries », de manière à réduire de manière drastique les effectifs à tous les niveaux de décision et de gestion de la République. Pourquoi n’innoverait-il pas à mettant en place un cabinet présidentiel de moins de 10 conseillers et un gouvernement de moins de 15 ministres ? Le mal dont il vient de se plaindre tient surtout à la pléthore des personnels politiques, ce qui dilue l’efficacité dans la « récréation » permanente, le clientélisme, le régionalisme, le tribalisme, la recherche de l’enrichissement rapide et facile, le règlement des comptes, les interférences du « pouvoir parallèle », etc. C’est maintenant ou jamais, que le choix de l’excellence s’impose à lui.
2009-04-09