Monsengwo : «Il est illusoire d’aspirer à la paix profonde sans la justice,la vérité et l’amour»
Monsengwo : «Il est illusoire d’aspirer à la paix profonde sans la justice,la vérité et l’amour»
C’est devenu rituel, à l’occasion de la fête de la Nativité, que le pouvoir spirituel en général et l’église catholique en particulier tire la sonnette d’alarme sur les menaces multiformes qui planent sur la société congolaise. Dans son homélie prononcée le vendredi 24 décembre, l’archevêque de Kinshasa a commencé par annoncer «la bonne nouvelle» : la naissance du Christ Sauveur. «Aussi, a-t-il ajouté, la venue du Christ est-elle accompagnée de paix, puisque les cœurs et les intelligences ne sont plus obnubilés par les erreurs du vice et les ténèbres du péché. (…).»
La descente aux enfers d’une nation
Ancien président de la Conférence nationale souveraine et du Haut conseil de la République dans l’ex-Zaïre, le Cardinal Monsengwo est un témoin privilégié de la descente aux enfers de son pays. Une descente aux enfers amorcée au lendemain de la restauration du pluralisme politique le 24 avril 1990. L’immaturité de la classe politique, le bras de fer Mobutu-Tshisekedi, l’affaire dite du «massacre» des étudiants du campus de Lubumbashi, les ingérences étrangères - avec en toile de fond la rupture en cascade de la coopération sont autant des faits qui ont handicapé le passage de ce pays d’un régime politique monolithique à un système pluraliste. La guerre civile au Rwanda en 1994 a exporté ses effets au Zaïre donnant le coup de grâce à un édifice étatique rongé de l’intérieur par sept années de querelles politiques stériles. Fin 1996, l’armée rwandaise déploie ses troupes dans les deux provinces du Kivu. La suite est connue. Les «libérateurs» du 17 mai 1997 n’ont pas tenu leurs promesses d’instaurer l’Etat de droit et d’achever le processus démocratique. Pire, les élections «libres, démocratiques et transparentes» organisées en 2006 - grâce à un financement de la communauté internationale - n’ont guère généré l’embellie escomptée. Le pays ressemble de plus en plus à un empire de la violence, de l’impunité et du mensonge. «Le seul chantier réussi par Joseph Kabila est d’avoir renforcé l’emprise du Rwanda de Paul Kagamé sur les provinces du Kivu», ironisent des observateurs.
Pour le Cardinal, «Dieu veut que l’humanité s’emploie à instaurer une culture de la paix dans les relations entre les peuples du monde, c’est-à-dire une paix durable et non pas passagère. Une telle paix doit être fondée sur la vérité et l’amour de même que sur la justice.» « L’humanité réconciliée avec Dieu par le Christ doit devenir une communauté de personnes réconciliées véritablement et bannissant la guerre, le conflit, la violence, le terrorisme et tuant dans les cœurs des humains la haine qui sépare les peuples.» Monsengwo de marteler : «Il est illusoire d’aspirer à la paix profonde sans la justice, la vérité et l’amour ». «Plutôt qu’une culture de la paix, c’est une culture de la guerre et de la violence qui est en vigueur dans notre pays.»
Un sursaut national
Jetant un regard critique sur l’instabilité qui règne depuis plus d’une décennie dans la partie orientale du pays, l’archevêque de Kinshasa a regretté de voir que «toutes les dispositions sont prises et mises en place pour perpétuer la guerre, étant donné que celle-ci est favorisée par des intérêts partisans.» Notons que la télévision publique britannique (BBC) a récemment accusé le général Amisi Kumba, un proche de «Joseph Kabila», d’être impliqué dans le trafic de minerais au Nord Kivu. L’information a été démentie à Kinshasa. «Plutôt qu’une culture de la vérité, c’est une culture du mensonge qui se cache sous les stratégies des uns et des autres, nationaux comme expatriés», a dit le Cardinal. Et de poursuivre : «Le peuple n’est plus dupe. Plutôt qu’une culture de la justice, c’est une culture de l’injustice et de la corruption. Plutôt qu’une culture de l’amour, c’est une culture de la haine et de la division. Plutôt qu’une culture de la vie, c’est une culture de la mort et de l’insécurité qui se développe. Si l’on n’y prend garde, la mort sera banalisée dans notre pays.»
En conclusion, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a invité les Congolais «à un sursaut national, si nous ne voulons pas que le pays sombre dans l’intolérance extrême, qui de plus en plus se manifeste dans les relations des uns et des autres.» Sera-t-il entendu ?
Madeleine Wassembinya/B.A.W
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