Le Blog de Sacrebopol

RETOUR DE LA DICTATURE

Retour de la dictature en RDC : le cas V. Kamerhe Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
31-03-2009
Je voudrais, avant de dire ce que j’ai envie de raconter, faire un rapide détour par l’histoire récente de la RDC dont les récentes expériences malheureuses doivent dorénavant être rappelées à la mémoire collective chaque fois que cela s’impose. La prévention de la répétition de ces expériences malheureuses est, entre autres, fonction de leur remémoration. Ce détour permet de comprendre aisément la pertinence de l’inscription de Kamerhe en faux contre le retour des troupes rwandaises sur le territoire national, retour qui a été unilatéralement autorisé par Mr Kabange Joseph et qui défraie encore aujourd’hui la chronique.
 
Aperçu historique du drame congolais de ces dernières années
 
Il n’est pas excessif de soutenir qu’une bonne partie des souffrances qu’endure le peuple congolais ces dernières années est imputable au Rwanda. Notre malheur a commencé par la destruction de l’avion de Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 au dessus de Kigali par des hommes du Front Patriotique Rwandais à en croire le juge français Jean-Louis Bruguière. L’avion fatidique revenait d’Arusha en Tanzanie après des pourparlers qui devaient accoucher d’un gouvernement d’union nationale regroupant des membres du régime d’Habyarimana et ceux du Front Patriotique Rwandais. La chute du régime d’Habyarimana en juillet 1994 et la mise en déroute des troupes de celui-ci ont débouché sur une entrée massive des rwandais d’ethnie hutu en territoire zaïrois. En leur offrant l’hospitalité, Mobutu espérait tirer profit de cette tragédie rwandaise pour sortir de l’isolement où l’avaient relégué ses maîtres occidentaux. La tragédie congolaise est partie de cet accueil qui n’aurait pas dû avoir lieu. Ragaillardi par cette victoire obtenue moins par les armes que par la ruse, le mensonge et la violation répétée des accords,  Kagame n’entendait pas s’arrêter en si bon chemin. Il lui fallait également aussi tôt que possible travailler ā la chute de l’ami du Président défunt dont la présence à la tête du Zaïre entraverait la vengeance tutsie contre les hutus. Leur crime: le génocide de 94 contre les tutsis.
 
En 1996 naquit au Rwanda, à l’initiative du revanchard Kagame, un mouvement insurrectionnel dénommé AFDL dont la direction fut, pour des raisons stratégiques, confiée au congolais Laurent-Désiré Kabila. Forte du soutien des troupes rwandaises, ougandaises et burundaises et se trouvant en face d’une armée zaïroise démotivée, désorganisée ou peu encline à se battre pour le maintien de Mobutu au pouvoir, l’AFDL qui volait de victoire à victoire avec une facilité et une célérité ahurissantes ne mit pas longtemps avant de venir à bout du régime tyrannique de Waza Banga le 17 mai 1997. Il s’agissait là d’une aubaine pour Kagame dont la soif de vengeance contre les hutus devait être assouvie. Elle fut largement assouvie par des attaques répétées contre ces derniers partout où ils se trouvaient sur le territoire zaïrois. Au cours de ces expéditions revanchardes, hommes en armes ou non, femmes, bébés et enfants sans défense étaient ainsi traqués, pourchassés comme des gibiers dans les forêts zaïroises où ils croyaient trouver refuge après le démantèlement de leurs camps d’abord au Rwanda dont Kibeho est le plus connu, ensuite en RDC à Kibaki, à Mugunga... Le nombre exact des hutus massacrés au cours des opérations de destruction de ces camps ou exterminés dans les forets zaïroises comme à Tingitingi ne sera jamais connu. Tout ce que l’on sait est qu’ils ont été, innocents ou non, sauvagement massacrés par centaines de milliers. De ce point de vue, parler d’un seul génocide à savoir celui des tutsis par les hutus sans en même temps évoquer celui de ceux-ci par ceux-là[1] est une édulcoration crapuleuse de l’histoire rwandaise de ces dernières années et donc une supercherie ou, si l’on veut, du négationnisme : la négation du génocide des hutus.  
 
La défaite du régime de Mobutu par l’AFDL fut suivie de la mise sur pied d’un gouvernement unique en son genre où rwandais et ougandais -peut-être burundais aussi- furent associés à la gestion du pouvoir. Ce qui donnait de l’ex-Zaïre l’impression d’un territoire conquis dont les nouveaux maîtres devaient se partager les richesses. Les Congolais étaient ainsi surpris non sans écœurement de voir des étrangers occuper, sans froid aux yeux, des postes stratégiques aussi bien dans les secteurs politique et administratif que dans l’armée et la police. Incommodé dans son fonctionnement par ces étrangers atypiques, cupides et encombrants qui, plus d’une fois, semble-t-il, auraient attenté à sa vie, Laurent-Désiré Kabila finira par comprendre qu’il fallait absolument se débarrasser avant qu’il ne fût tard de ses dangereux alliés. Les deux chefs d’orchestre du drame congolais Kagame et Museveni jurèrent de se venger. En effet, quelques jours après la libération de L.-D. Kabila de l’étau où il avait été enfermé, Kagame et Museveni profitèrent une nouvelle fois de l’opportunisme des congolais pour re-envahir le Congo par l’Est. Ce qui eut lieu le 2 août 1998. Les troupes rwandaises et ougandaises gardèrent la partie orientale de la RDC sous leur contrôle jusqu’en 2003 avec l’appui de leurs collaborateurs congolais lesquels étaient repartis en trois mouvements dits rebelles, à savoir le RCD-Goma créé par le Rwanda et soutenu militairement par lui, le MLC mis sur pied en Ouganda et bénéficiant de l’appui militaire de ce pays et le RCD-National de Roger Lumbala ainsi que le RCD-K-ML de Mbusa Nyamwisi, deux branches dissidentes du RCD-Goma encadrées par des officiers militaires de l’armée  ougandaise.
 
Au moment où, après l’Accord de Sun City entre les belligérants en 2003, les congolais poussaient un ouf de soulagement parce que les armes allaient enfin se taire, Kagame qui n’a jamais caché ses visées annexionnistes sur le Kivu s’empressa de créer le CNDP dont il confia la direction ā Laurent Nkunda lequel sèmera la mort et la désolation dans les deux Kivujusqu’en janvier dernieroù tout le monde était surpris d’apprendre«son arrestation » au Rwanda, arrestation suivie de la proclamation unilatérale de la cessation des hostilités par le nouveau patron du CNDP, Ntaganda Jean-Bosco. Cette longuedéstabilisation armée de la RDC par le Rwanda aurait causé la mort d’environ 6.000.000 de congolais soit sept fois et demi le nombre des tutsis et hutus modérés massacrés en 1994 (environ 800.000) par leurs compatriotes et extrémistes hutus. Il s’agit là d’autre génocide dans la région des Grands Lacs: non pas celui commis par des rwandais sur d’autres rwandais mais bien celui subi par les congolais de la part des armées étrangères - celles du Rwanda, d’Ouganda et du Burundi - avec l’appui des mouvements dits rebelles au gouvernement Kabila. A ces massacres, il faut ajouter les viols des femmes, les destructions massives des infrastructures et l’exploitation des minerais congolais auxquels se sont livrés à cœur joie aussi bien les assaillants que les refugiés hutus (Interahamwe et ex-FAR devenus FDLR).
 
Au regard des incursions à répétition des troupes rwandaises en RDC, des préjudices susmentionnés, des visées expansionnistes de Kigali sur les deux Kivu et de la roublardise de Kagame et de ses collaborateurs du FPR, il me semble qu’il n’est pas difficile de comprendre la pertinence et le bien-fondé des appréhensions que Kamerhe Vital, Président de l’Assemblée nationale a exprimées lorsqu’il a été tenu au courant de l’autorisation accordée unilatéralement et discrètement par Joseph Kabange aux troupes rwandaises de rentrer au Congo pour y traquer, en collaboration avec l’armée congolaise, les forces négatives hutues tapies dans les forêts du Kivu notamment les FDLR. Aussi l’acharnement de Joseph Kabange à voir Vital Kamerhe démissionner de la présidence de l’Assemblée nationale pour la méfiance de celui-ci vis-à-vis de l’opération militaire conjointe sus-évoquée apparaît-il tout simplement comme non fondé pour plusieurs raisons.
 
Raisons de la méfiance vis ā vis de l’opération militaire rwando-congolaise
 
Ces raisons étant nombreuses, je me bornerai à en évoquer trois. La première raison est la prudence dictée par le caractère belliciste des relations que le Rwanda de Kagame entretient avec la RDC depuis son avènement au pouvoir. Un adage ne dit-il pas à juste titre que « Quiconque a déjà une fois été mordu par un serpent prend peur même devant un simple mollusque » ? Un peu dans le même sens, René Descartes recommande qu’« Il faut se méfier de tout quiconque nous a déjà roulés une fois ». Combien de fois les congolais ne sont-ils pas tombés de bonne foi, au nom de la paix ou par naïveté dans les traquenards échafaudés par Kagame? Autrement dit, combien de fois n’avons-nous pas été bernés par le régime de Kigali ? De même qu’un cadeau venant d’un ennemi est à repousser parce qu’il peut s’agir d’un cadeau empoisonné ou miné du dedans comme celui offert par Zeus à Epiméthée pour se venger de son frère jumeau Prométhée, semblablement la prudence s’impose quand une offre de service émane d’un pays non-ami tel que le Rwanda dont personne n’ignore le rêve de faire de la RDC le dépotoir de l’excédent de sa nombreuse population ou, à mieux dire, de faire de sa partie orientale une colonie de peuplement et d’exploitation. Quoi donc de plus normal que quelqu’un puisse proposer qu’une offre de service décidée à partir du Rwanda fasse l’objet d’un débat contradictoire préalable au sein du Parlement ? Ce n’est qu’au terme d’un tel débat qu’il peut être décidé en connaissance de cause si oui ou non ce service est recevable? Nous nous rendrions un très mauvais service en donnant l’impression que nous avons comme spécialité celle d’être tout le temps roulés dans la farine. Seule l’histoire nous dira si un nouveau Cheval de Troie ne vient pas d’être introduit en RDC par le truchement de l’opération dont la dénonciation vient d’attirer des ennuis à Kamerhe sur qui se trouve maintenant suspendue l’épée de Damoclès. Est-on sûr que tous les militaires rwandais vont rentrer chez eux après l’opération ?  
 
La deuxième raison tient à la liberté de pensée et d’expression garantie par la Constitution à tous les congolais c'est-à-dire en ce y compris Kamerhe. De ce point de vue, personne, pas même le Président de la République, n’a le droit de réclamer la démission du Président de la Chambre Basse pour avoir dit ce qu’il avait à dire au moment où il fallait le dire. En démocratie (je suppose que le Congo-Kinshasa en est une et que sa dénomination n’est pas une simple figure de style), la pluralité langagière est quelque chose de sacré. Ce qui revient à dire que l’unanimisme dans la mêmeté que d’aucuns appellent le langage à sens unique y est proscrit sauf si cette mêmeté langagière s’impose spontanément à tous les partenaires, dans le cas d’espèce, à tous les congolais. De même que là où force règne raison a rarement lieu, pareillement la substitution de la force au débat est indicatrice d’une chose : la dissimulation de quelque chose de suspect.
 
La troisième raison est le caractère secret de l’accord entre Kagame et son ami Kabange. Quel est le contenu de cet accord dont les clauses sont tenues secrètes? Qui doit ou devra prendre en charge le coût de l’opération ? Est-ce le Rwanda en sa qualité d’auteur de l’initiative ou est-ce la RDC pour avoir accueilli favorablement cette initiative? Ou encore le coût est-il ā prendre en charge conjointement par le Rwanda et la RDC dans la mesure où l’opération semble bénéfique ā chacune des deux parties ? Il est à espérer qu’on n’a pas affaire à quelque chose d’analogue aux Accords de Lemera dont on parle tant mais dont le texte est gardé secret par ses signataires.
 
La démocratie en danger de mort en RDC
 
Au moment où je suis en train de rédiger ces lignes, je viens d’apprendre que Kamerhe vient de donner sa démission et que celle-ci a été acceptée par acclamation sans débat ni vote par les parlementaires. Cette démission qui avait été réclamée à cor et à cri par Joseph et sa plate forme, l’AMP, n’augure rien de bon sinon que le pays est de nouveau en train de basculer dans l’arbitraire politique, dans la dictature, dans la tyrannie et dans l’intolérance langagière. Ce qui risque de renvoyer de nouveau à plus tard l’engagement de la RDC sur la voie de la paix, de la justice, du développement et de la prospérité. Il n’est pas anodin de rappeler ici que la paix a entre autres comme conditions de possibilité le respect par tous des règles du jeu. Je partage le point de vue de ceux qui ont maintenant peur que les malins génies ne soient en train de faire faire à la RDC une marche à rebours vers le passé où le MPR imposait à toute la communauté congolaise un langage à sens unique même si celui-ci était erroné, où la pluralité langagière était inexistante et où la critique était perçue comme un crime de lèse-majesté et donc comme une attaque voilée à la personne sacrée du guide éclairé et clairvoyant Mobutu.
 
Point n’est besoin de rappeler que le Congo est une République, un terme mieux rendu par l’expression latine dont il dérive à savoir « Res publica » c’est-à-dire un « bien public ». L’étymologie de ce mot suggère qu’en tant que république, le Congo est la propriété de tous les congolais. Il n’est donc ni la propriété de Joseph ni celle de l’AMP dont il est « l’autorité morale » mais bien celle du peuple congolais dans son ensemble. De ce point de vue, tous les citoyens congolais ont voix au chapitre -ce que les Grecs, inventeurs de la démocratie appelaient « isonomie »- et sont pour ainsi dire habilités à émettre leurs avis sur la façon dont le pays est conduit par leurs représentants que sont les acteurs politiques. Puisque le Congo est aussi une démocratie, cela revient à dire que ces derniers exercent un pouvoir qui ne leur appartient pas mais qui appartient au peuple de qui il émane. Pour ceux qui ne le savent pas, le mot « démocratie » vient de deux mots grecs à savoir « demos » qui signifie « peuple » et « kratos » qui veut dire « pouvoir ». Démocratie signifie pour ainsi dire « pouvoir du peuple » et « pour le peuple » dont il confie la gestion à ses représentants. C’est ce pouvoir de nouveau menacé d’expropriation que le peuple congolais ne doit permettre ā qui que ce soit de lui confisquer.
 
Louable est le courage de Mr Kamerhe d’avoir, au nom de la paix, donné sa démission le 26 mars dernier. Il l’a fait pour ne pas être accusé d’asphyxier, par excès d’amour-propre, le fonctionnement des institutions. Il s’en est largement expliqué sur Radio Okapi. En effet, a-t-il dit, il fallait éviter qu’on profite de cette « affaire AMP/Joseph-Kamerhe » pour distraire le peuple congolais et pour détourner son attention de l’essentiel à savoir la mise en route de la reconstruction du pays et l’amélioration des conditions de vie des congolais vautrés dans une misère à nulle autre pareille. Les pétrins où se trouve aujourd’hui Kamerhe me font penser à son livre « Pourquoi j’ai choisi Kabila ». Il est à espérer qu’il ne s’est pas trompé en faisant ce choix. Mais ce qui semble sûr est qu’il ne l’a pas choisi pour l’aider à faire de la RDC une propriété privée comme Mobutu ou à de-démocratiser les institutions républicaines. Je conviens avec lui que la lutte pour la démocratie doit se poursuivre contre vents et marées et j’espère qu’il était sincère quand il a dit, après sa démission, qu’il attend continuer à militer, en tant que membre de la nation congolaise, son principal parti désormais, en vue du triomphe de la légalité et de la démocratie.
Conclusion
 
Je ne saurai terminer ce propos sans dire que le bras de fer que Joseph et l’APM ont engagé avec Kamerhe n’avait pas de raison d’être. Tout semble, en effet, indiquer que l’opération conjointe des troupes rwandaises et congolaises apparaît dans ses résultats plus comme un échec que comme une réussite. N’avons-nous pas, en effet, appris que les forces négatives n’ont pas été totalement mises hors d’état de continuer de nuire mais qu’elles conservent encore leur capacité de nuisance?  
 
Au vu du petit nombre des hutus qui ont pris le chemin de retour vers le Rwanda, de ce qui ont été capturés ou qui sont tombés pendant la fameuse opération, au vu aussi des nouvelles selon lesquelles les FDLR auraient repris leurs anciennes positions en RDC, la conclusion est claire : l’opération a été moins une réussite qu’un échec, tout comme celle qui serait encore en train de se dérouler en Ituri et dont les civils congolais paieraient un lourd tribut. Il s’ensuit que le bras de fer sus-évoqué n’avait pas de raison d’être engagé avec celui qui a eu le génie de s’en méfier et d’en prédire l’échec. Le vœu de tous les congolais est que la RDC soit affranchie au plus vite de toutes les forces négatives étrangères ou locales qui y opèrent aux fins de sa sécurité et de son réengagement sur les rails du développement et de la prospérité. C’est ā l’armée nationale ā faire ce travail et non aux étrangers qui risquent de nous faire de nouveau payer cher leurs services. En relations internationales, le « rien pour rien » est rare. Quand le comprendrons-nous ?
 
Le Congo n’a pas pour vocation, a martelé Sarkozy lors de son passage ā Kinshasa jeudi 27 mars, celle d’être le maillot faible de l’Afrique centrale. Bien au contraire. La RDC a pour vocation d’être un pays fort, un pays dont la force économique et stratégique soit à la mesure de sa taille, de ses faramineuses ressources naturelles qualifiées à juste titre de scandale géologique ainsi que de la panoplie des titres académiques dont elle regorge. Autrement dit, la RDC se doit de travailler à se faire respecter par d’autres pays africains, à commencer par ses belliqueux voisins. Je ne pense pas courir le risque d’être contredit en soutenant que les propos de Sarkozy à Kinshasa ne sont qu’une version « rabotée » de ceux que le belge Karel De Gucht a toujours tenus à l’endroit de la classe politique congolaise. A l’instar de Karel De Gucht, Sarkozy voulait dire, bien qu’autrement, que Joseph doit avoir des rêves de grandeur pour la RDC et mobiliser ses collaborateurs et le peuple dans ce sens. Un Etat responsable doit éviter de se complaire dans la faiblesse s’il ne veut pas disparaître en tant qu’Etat.
 
Kamundu Léopold
Belgique     
Beni-Lubero Online


[1] Il s’agissait en fait d’une vengeance aveugle, impitoyable et cruelle. Le code d’Hammourabi « Dent pour dent œil pour œil » fut appliqué dans sa littéralité. Ceci pour dire que la chute du régime d’Habyarimana a été suivie de deux génocides : d’abord celui des tutsis par les hutus, ensuite celui des hutus par les tutsis, un double génocide qui ne peut pas ne pas choquer quiconque n’est pas acquis ā la culture de l’effusion gratuite du sang d’autrui comme ces deux peuples qui se vouent pour des raisons qu’ils sont seuls ā connaître une haine implacable et qui pourtant auraient tout ā gagner ā vivre en paix l’un avec l’autre dans le respect mutuel et dans la justice. Puisque, contrairement ā d’autres peuples, nous nous appelons ā tout bout de champ des frères et que nous donnons ā penser que nous sommes des champions de la fraternité, il est grand temps que nous commencions ā nous conduire en conséquence. Les conflits qui nous déchirent ā l’intérieur de nos Etats ou entre nos Etats indiquent clairement que, contrairement ā nos prétentions, nous sommes encore loin d’être des frères. On a l’impression qu’il circule dans nos veines le sang lointain des fils d’Œdipe qui dans un duel implacable et impitoyable se sont mutuellement donné la mort pour les délices du pouvoir. Pour être des vrais frères ou des frères vrais et pour ne pas un jour disparaître de la planète, ne devrions-nous pas apprendre dès maintenant ā vivre, comme dirait Paul Ricœur, avec et pour les autres dans des institutions justes et -j’ajoute- sécurisantes?
 


24/04/2009
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