Un autre Congo renaît à l’Est. Les aveugles ne le voient pas !
Jean-Pierre Mbelu. Photo C.I.C
L’Est bouge ! Les Jeunes Patriotes de Furu et de Katwa refondent un autre Congo. Leur lutte va faire tache d’huile et contaminer tout le reste du Congo. Les aveugles ne voient pas la chose venir !
Les minorités congolaises organisées ont pris le temps de lire, d’étudier et d’analyser dans les détails les causes lointaines, proches et immédiates du calvaire que notre pays connaît depuis son indépendance formelle jusqu’à ce jour. Certains livres et certains documentaires ont aidé ces minorités à mieux approfondir les enjeux du capitalisme du désastre dont notre pays est victime à travers tout un réseau transnational de prédation. Certains rapports de l’ONU les ont aidées à comprendre que la guerre dite ethnique que notre pays connaît depuis les années 90 est une guerre d’agression orchestrée par les grandes puissances instrumentalisant certains pays satellites des Grands Lacs. Par-dessus tout, il y a la connaissance que nos compatriotes de l’Est ont des voisins instrumentalisés et de leurs liens avec le pouvoir de Kinshasa.
Après avoir crié à maintes reprises au secours auprès du pouvoir de Kinshasa, sans succès, ces compatriotes ont fini par décider de constituer des groupes d’autodéfense pour se protéger contre la mort que les bandits à main armée sèment chez nous en toute impunité.
Pour n’avoir pas compris que la démocratie se construit à partir de la base et que les élections locales ont toute leur importance dans l’organisation de la cité, le pouvoir de Kinshasa se voit confronter aujourd’hui à deux « Parlements des jeunes patriotes de Furu et de Katwa ». «Jeudi 27 janvier 2011 vers 17h00 ces deux hémicycles ont été rasés par l’armée et la police à l’issue d’une réunion extraordinaire de ce qu’on appelle par euphémisme « conseil de sécurité de la ville » tenue à la Commune Mususa. » Mais « aussitôt les militaires et les policiers partis, les jeunes de Katwa et de Furu ont reconstruit leurs hémicycles au cours de la nuit grâce à la solidarité de la population locale qui voit leur salut dans l’action de ces Jeunes Patriotes. » Et la religion de ces jeunes est faite : «Pour eux, en effet, depuis bientôt trois ans, le bandit, le militaire, et le policier sont logés à la même enseigne dans la ville de Butembo.»
Ils ne comprennent pas que dans « la jeune démocratie congolaise », la libre expression soit proscrite. Mais en les lisant, les motifs de cette proscription deviennent clairs. Ils dressent un bilan négatif du pouvoir-os de Kinshasa et décrie sa complicité avec Kigali. Il y a plus. Réclamant le référendum sur la révision constitutionnelle, ils estiment que « tout ce qui est légal n’est pas bon pour le peuple. Hitler était élu légalement mais fut un désastre pour son peuple et pour l’humanité. Le désastre qui se profile derrière la révision constitutionnelle en R.D.Congo, à savoir l’instauration d’une nouvelle dictature en R.D.Congo, saute tellement aux yeux qu’une action commune des congolais s’impose pour l’endiguer avant qu’il ne soit trop tard. La voix du peuple, c’est la voix de Dieu ! » Ils dépassent le juridisme des députés de Kinshasa pour ajouter une dimension éthique à la pratique politique. Pour eux, « tout ce qui est légal n’est pas bon pour le peuple », tel est leur argument-massue.
Réprimés depuis jeudi 27 janvier 2011 par la police et l’armée, ces jeunes patriotes ne désarment pas. Et grâce aux NTIC, ils fournissent leurs textes et leurs imagent aux quatre coins du monde sans se leurrer sur la complicité de la communauté dite internationale dans le calvaire que notre pays connaît. Ils sont branchés sur les exemples tunisien et égyptien.
Ayant porté plus le poids de la guerre d’agression que les autres jeunes du pays, nos patriotes de Furu et Katwa ont dépassé l’étape de la peur et sont désormais prêts au sacrifice suprême pour un autre Congo. Ils ont donné le ton. Dans un pays où l’insécurité est généralisée, constituer des groupes d’autodéfense pourrait faire tache d’huile. Les politiciens qui comprendraient le message de ces jeunes patriotes devraient laisser de côté leurs divisions partisanes pour les rejoindre dans cette lutte émancipatrice.
Face à cette renaissance du Congo, les schémas classiques sont remis en question. Les jeunes patriotes ont constitués « leurs parlements » sans passer par les élections. Et ils sont soutenus par la population sans être gracieusement payés (comme leurs collègues de Kinshasa) ! (Si la gratuité pouvait devenir le thermomètre du patriotisme dans nos hémicycles !) Il est possible que le plébiscite ait joué. Il y a là des acquis à capitaliser dans un Congo libre. Ils prouvent qu’un peuple debout est plus fort que les bombes. Même si ceux et celles que les cœurs et les esprits ont été mangés par les dollars ne voient rien venir ! Ils ont des yeux et ne voient pas ! Des oreilles et n’entendent pas. Ils sont devenus comme leurs idoles (l’or et l’argent) !
De toutes les façons, le Congo renaît à partir de l’Est et la contagion ne tardera pas.
D’ici-là les minorités congolaises organisées vont étonner le monde ! La patience a des limites. Et dès que ceux et celles qui sont courbés comprennent qu’à force de rester dans cette position on finit par devenir bossu, ils se redressent et deviennent prêts à tous les sacrifices pour sauvegarder leur dignité et leur liberté. Celles-ci n’ont pas de prix !
J.-P. Mbelu
© Congoindépendant 2003-2011