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IV. Ecraser Jean-Pierre Bemba et ses partisans
En août 2006, des éléments de la Garde Républicaine ont eu un accrochage avec des membres de la garde de Bemba à Kinshasa. Kabila, qui commandait les forces les plus puissantes, a profité de l'occasion pour engager une opération militaire qui a assené un coup majeur à Bemba. N'ayant pas réussi alors à détruire complètement les effectifs de Bemba, les forces de Kabila ont lancé une deuxième opération militaire en mars 2007 qui, s'ajoutant à une campagne d'arrestations arbitraires et d'intimidation, a de fait mis un terme à la remise en cause par Bemba du pouvoir de Kabila et a poussé Bemba à s'exiler.
En parlant de cette période, un officier de l'armée congolaise a déclaré à Human Rights Watch: «Le Général Kisempia nous a donné l'ordre d'éliminer Bemba, d'en finir avec lui et le MLC.»[14] Le Général Kisempia était le Lieutenant-Général Kisempia Sungilanga Lombe, alors chef d'état-major de l'armée. D'autres soldats de la Garde Républicaine et de l'armée congolaise interrogés par Human Rights Watch parlaient de Bemba et de ses partisans comme de «l'ennemi qui pourrait affaiblir le gouvernement » et interprétaient leurs ordres comme étant «d'éliminer» cet ennemi.[15]
En novembre 2007, le ministre de l'Intérieur Denis Kalume a déclaré à Human Rights Watch que «neutraliser Bemba» ne voulait pas dire l'assassiner.[16] Mais une autre personne proche de Kabila a expliqué que les partisans de Kabila sous-entendaient le risque que Bemba pouvait être tué dans de telles opérations. Il a observé: «C'est exactement ce que souhaitaient certains radicaux.»[17]
Opérations militaires d'août 2006
Dans l'attente des résultats du premier tour des élections le 20 août 2006, Bemba prévoyait de faire ce soir-là un discours retransmis par la télévision nationale pour remercier ses partisans et lancer sa campagne pour le second tour.[18] Le camp de Kabila était sous le choc de leur échec à emporter la présidence dès le premier tour et certains dans ce groupe ont prétendu que Bemba voulait en fait devancer l'annonce officielle des résultats et tenter une prise de pouvoir militaire. Bemba a indiqué plus tard à Human Rights Watch que Kabila avait dit avoir reçu un message texte l'avertissant que Bemba allait tenter un coup d'Etat.[19] Denis Kalume, alors l'un des conseillers de sécurité de Kabila,[20] soutenait l'opinion selon laquelle Bemba préparait un coup d'Etat. Dans un entretien avec Human Rights Watch, il a affirmé que cette tentative «subversive» de Bemba «devait être stoppée».[21] Selon un autre membre du cercle des proches de Kabila: «Kabila a pris la décision de tabasser Bemba et de lui donner une leçon.»[22]
Le 20 août en fin d'après-midi, la police et la Garde Républicaine ont échangé des coups de feu avec les gardes de sécurité de Bemba dans les rues à proximité du bâtiment de Canal Congo Télévision (CCTV, une chaîne favorable à Bemba) où Bemba était attendu pour son discours télévisé.[23] Les combats ont empêché Bemba de faire le discours programmé et ont retardé de quelques heures l'annonce des résultats des élections. Il n'était pas difficile de déterminer le camp qui avait déclenché l'affrontement.
Le lendemain, la Garde Républicaine et les soldats de l'armée congolaise ont déplacé des armes lourdes, notamment des véhicules blindés pour le transport de troupes et des chars équipés d'obusiers, au centre de Kinshasa. Le Lieutenant Général Kisempia a informé la MONUC et les officiers militaires européens qu'il avait déployé ces troupes pour rétablir le droit et l'ordre et pour désarmer la garde de Bemba.[24] Le commandant des forces de la MONUC, craignant l'escalade du conflit, a fortement conseillé de ne pas suivre cette ligne de conduite, mais son avis a été ignoré.[25]
Un groupe de diplomates de 14 pays africains et occidentaux, membres du Comité international d'accompagnement de la transition (CIAT), ont été alarmés par la violence à un moment aussi crucial des élections et ils se sont précipités pour servir de médiateurs dans la crise, allant d'abord rencontrer Bemba chez lui. Au cours de cette rencontre avec Bemba, la Garde Républicaine et les soldats de l'armée ont encerclé la maison de Bemba et ses bureaux à proximité, échangeant des coups de feu avec la garde de Bemba et prenant les diplomates au piège pendant six heures. Il y eut une avalanche d'appels téléphoniques entre Kabila, le Secrétaire général de l'ONU alors en poste, Kofi Annan, et d'autres personnes. Les troupes de Kabila se sont alors retirées à courte distance et ont autorisé les soldats de la MONUC et de l'EUFOR (partie d'une force fournie par l'Union européenne pour aider la MONUC pendant la période électorale) à encercler la résidence de Bemba et à secourir les diplomates pris au piège.[26]